J'aime vraiment beaucoup la période parlante des années 30 de Naruse. Car quand bien même les films sont rarement des chefs d'œuvres indeboulonnables, ils regorgent d'une fascination pour un artisanat cinématographique beaucoup plus mouvant et mutant dans sa forme.


J'ai d'ailleurs trouvé ce film très "Ophulsien", dans ces longs travelling dans les séquences de nuit pour rendre l'aspect envoûtant de Ginza. Mais aussi dans le jeux sur les perspectives et les environnements, mais souvent (sauf exceptions) sans situer leur intérêt uniquement dans la démonstration. On est dans un film qui joue énormément sur la matérialisation comme aurait pu le faire un Antonioni, et cette matérialisation, de l'état social et mental des personnage, donne un drame paupériste à l'image boursoufflé, encombrée par les détails voyants du décors, ce qui rend en soi l'aspect brouillon et bidonville de l'environnement de ces 3 sœurs. C'est un film dune curiosité visuelle étonnante, tant on sait que Naruse tient plus de l'épure que du maniérisme. Mais appeler cela maniérisme serrait faux, car le film ne vide pas les choses de leur substances pour autant, et bien qu'on observe moins bien et avec moins de cruauté l'environnement dramatique, la recherche constante de moyen d'expressions visuelles du quotidien.


C'est un film qui entourre son mélodrame de séquences de détails de vie, qui donne un burlesque du réel sans l'humour, et ça donne au film un nouveau souffle constant, tout en permettant à son drame d'avoir les pieds sur terre. De plus, des idées comme l'intro filmée comme un documentaire dans lequel va se retrouver la fiction, c'est à dire la protagoniste, est tout simplement brillante. Puis c'est le premier parlant de Naruse, alors on voit qu'il cherche à expérimenter cette forme en permanence, en utilisant toujours le potentiel sonore des endroits comme un juke-box dans un bar ou une horloge à la maison. Un cinéma de détail qui détruit la polarisation de l'attention autour de l'histoire seule pour la placer dans le tissus de réalité qu'il tisse.


En plus ça me bute mais le film utilise genre la voix off alors que ça a été inventé après askip (dans Roman d'un tricheur de Guitry). Et y a des magnifiques séquences où Naruse filme juste la ville la nuit ou le jour pour à la fois rendre le contexte social et situer les personnages dans une continuité avec l'activité réelle c'est tellement riche de deconstruction déjà en 1935 bababa.

abraham_pasconnu
7

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le 31 mars 2023

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