Le châtiment finit toujours par arriver.

Les résultats des Oscars arriveront d'ici quelques jours, et pourtant il subsiste toujours des retardataires. Certains ont déjà leur(s) favori(s), mais il est toujours possible de changer d'avis, en particulier avec cette nouvelle réalisation signée Coen Brothers, remake du film éponyme de 1969 (avec John Wayne), lui-même adapté du livre de Charles Portis.
Mattie (Hailee Steinfeld) n'est pas une jeune fille comme les autres. Elle a 12 ans, son père vient d'être assassiné par Tom Chaney (Josh Brolin), et sa mère ne cesse de pleurer sur son sort. Bien décidée à retrouver Chaney et venger la mémoire de son père, elle engagera Rooster Cogburn (Jeff Bridges), un vieux Marshall usé jusqu'à la corne, et vivant au jour le jour grâce aux maigres primes qu'il gagne et redépense aussitôt dans l'alcool. Aidé par LaBoeuf (Matt Damon), un Ranger du Texas voulant toucher une partie de la récompense, ils partiront pour une chevauchée qu'ils seront loin d'oublier.

Ce qui est bien avec les frères Coen, c'est que tout ce qu'ils touchent se transforme en or. Je ne suis absolument pas expert en western, ni même fan, même si j'ai vu les grands classiques, mais comme — probablement — tout le monde je pensais que ce genre s'était éteint avec Impitoyable de Clint Eastwood, adieu plein d'amour à un cinéma qui l'avait rendu célèbre. Pourtant les Coen ressuscitent ce genre disparu, le hissent à un sommet vertigineux, tel le phoenix renaissant de ses cendres, le dépoussièrent, et nous offrent un cadeau inespéré, pour peu qu'on y soit réceptif.
Mais quelle mécanique extraordinaire a provoqué un tel engouement ? C'est simple, le duo Bridges/Steinfeld est juste irrésistible car leurs personnages sont diamétralement opposés. Steinfeld joue une jeune fille qui n'a pas encore connu son premier baiser, et qui pourtant nous étonne constamment par sa maturité, responsable et déterminée comme le serait n'importe quelle femme post-moderne. Bridges quant à lui est son alter ego, un vieux roublard qui a tout vu, mais qui, désenchanté par les vérités de la vie, se montre aussi teigneux qu'un écolier, et l'alcool faisant, aussi titubant qu'un jeune nourrisson. Ils s'épauleront donc durant toute cette chevauchée, et grâce à un délicat et progressif effet, les frères Coen feront doucement tomber les masques, l'un révélant la faiblesse qu'il essaie de cacher et l'autre laissant apparaître sa véritable nature d'implacable chasseur d'hommes.
Au fur et à mesure naît une amitié très forte entre ces deux personnes, frôlant l'amour platonique, mais qui hélas sont séparées par un nombre bien trop élevé d'années. On pourra aussi y voir une projection entre un vieil homme qui n'a jamais eu d'enfants et une jeune fille en besoin de père, c'est comme on veut.
Marque des frères Coen oblige, l'humour n'est pas laissée de côté, particulièrement noire, mais qui vous assurera une bonne dose de rigolade (la scène d'audience de Cogburn est simplement excellente, son ton condescendent nous faisant mourir de rire autant qu'il nous inquiète sur sa santé mentale). Ces derniers n'en oublient pas non plus la violence propre à leurs réalisations, de même que les scènes riches en tension, jouant habillement avec nos nerfs, nous faisant craindre à chaque instant qu'une boucherie éclate. Techniquement on aura rien non plus à redire, la photo des paysages du Texas étant sublime, et certains plans larges vous scotchant littéralement sur place. La bande-son signée Carter Burwell se révèle également particulièrement efficace, soutenant on ne peut mieux cette chevauchée, et rappelant par ses airs lancinants celle qu'il avait composé pour Fargo.

Bref, True Grit est indéniablement mon favori pour les Oscars (très serré avec Le discours d'un Roi), et probablement le meilleur western qu'il m'ait été donné de voir. L'expérience se montre extrêmement émouvante, prenant aux tripes comme de rares films en sont capables, ceci grâce aux interprétations majestueuses de Bridges, Steinfeld, Damon et Brolin, même si ces deux derniers n'ont au final que peu de temps à l'écran. On décèlera ci et là de très légères fluctuations dans le rythme, mais que l'on oubliera très vite grâce à des dialogues toujours dans la justesse et la fluidité. Pour ce qui est du final, sans rien vous révéler, sachez qu'il s'avère particulièrement plombant, et risque de vous faire sortir du cinéma avec une tête d'enterrement.
Pour conclure, que vous soyez adepte ou non de westerns et autres épopées sauvages, ou simple néophyte, il serait étonnant que vous ne tombiez pas sous le charme, tant le côté humain de l'oeuvre est mis en avant (ceci dit on ne peut jurer de rien). Ne soyez pas non plus craintif pour ce qui est de l'action et de la tension, vous aurez votre dose, mais ne vous attendez pas non plus à des gunfights incessants, ici on est pas dans Young Guns.
Mention spéciale pour Hailee Steinfeld, grande révélation du film, surprenante et déstabilisante par son talent, et on attend avec impatience de la revoir dans d'autres rôles de cette envergure.
SlashersHouse
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste La moustache, c'est bien

Créée

le 23 févr. 2011

Critique lue 302 fois

SlashersHouse

Écrit par

Critique lue 302 fois

D'autres avis sur True Grit

True Grit
Torpenn
6

True Grit d'initiation...

Une jeune fille perd son père et manque son train de retour pour le venger. Elle ne trouve rien de mieux pour l'aider que Jeff Bridges, vieux marshall borgne à la gâchette facile et à la descente...

le 12 mars 2011

81 j'aime

42

True Grit
Gand-Alf
8

God's gonna cut you down.

Après le très étrange et abscons "A serious man", les frangins Coen reviennent à un cinéma plus accessible, adaptant le roman éponyme de Charles Portis, quarante ans après "Cent dollars pour un...

le 30 déc. 2014

61 j'aime

1

True Grit
MrShuffle
8

Jeff Bridges over troubled water

Quand les deux frangins Ethan et Joël, dont on ne compte plus les succès publics et critiques, se mettent au Western, il ne faut pas s'attendre à un bouleversement. Car même si l'on s'appelle Coen et...

le 24 févr. 2011

57 j'aime

1

Du même critique

God Bless America
SlashersHouse
9

This is the best day ever !

Qui aurait pu dire que Bobcat Goldthwait, auteur de World's Greatest Dead, laisserait tomber la critique fine pour la pochade délurée et immorale ? Un coup de sang après avoir zappé, tout comme son...

le 9 avr. 2012

97 j'aime

16

Tucker & Dale fightent le mal
SlashersHouse
8

White Trash Beautiful.

Véritable coup de grisou sur la toile, Tucker et Dale ont fait parler d'eux plus que n'importe quel direct-to-dvd, et ont largement accumulé les récompenses lors de différents festivals (AMPIA,...

le 8 juin 2011

86 j'aime

15

Ted
SlashersHouse
3

Ted l'ours lourdingue.

Seth MacFarlane, père de la séries Les Griffin, nous livre ici son premier long-métrage qu’il réalise, écrit et produit. Les Griffin connait autant de fans que de détracteurs, la raison étant souvent...

le 30 août 2012

49 j'aime

8