Voilà un film qui résonne fortement avec l'actualité française. Et d'ailleurs, son titre français (qui n'a rien à voir comme souvent avec le titre original) n'a peut-être pas été choisi tout à fait par hasard. Il est ici question des couvents de Marie-Madeleine, dont les pratiques pédagogiques s'apparentent clairement à celles de certains établissements catholiques français. On pourrait parler d'éducation à la dure, et ça serait un gros euphémisme. Ces couvents, qui hébergeaient - façon de parler - des filles perdues n'étaient pas certes directement subventionnés par l'état irlandais, mais fournissaient des services de blanchisserie à un certain nombre d'organismes étatiques. Le boulot était fait par les pensionnaires, qui n'étaient évidemment pas rémunérées. Enfin, leur gratification provenait en fait de l'expiation de leurs péchés par le travail.

Il y a toutefois une différence majeure avec la France : l'Irlande a fait le ménage, il y a trente ans. Le dernier couvent a été fermé en 1996. Et l'état irlandais a reconnu sa responsabilité. On ne peut pas dire qu'en France, on parte véritablement sur le même chemin. Cesser de subventionner les établissements qui maltraitent des enfants (enfin, généralement ceux de leurs pensionnaires qui ne sont pas issus d'un bon milieu) serait déjà un premier pas. Eh oui, c'est le contribuable qui finance ces curés vicelards et ces surveillants sadiques. Quant à la fermeture administrative, il ne faut pas rêver : les notables sont bien trop attachés à leurs écoles.

Pour en revenir au film, il ne montre que très peu les sévices dont sont victimes les pensionnaires. Normal, le personnage principal, très bien interprété par un Cillian Murphy tout en culpabilité rentrée et en mélancolie, est extérieur au couvent de sa ville. Et on n'y entre pas comme dans un moulin, même si il découvrira certaines exactions à l'occasion d'une livraison de charbon et de tourbe. Par contre, le film met l'accent sur la pression sociale exercée sur la population par cette communauté religieuse, riche et puissante. Qui permet de maintenir une chape de plomb sur la parole : tout le monde sait, mais tout le monde ferme les yeux et se bouche les oreilles. Vous avez dit Bétharram ?

Tout ça nous fait un film plutôt lent, sans éclats majeurs ni scènes pénibles, mais qui pour le coup en trouve son pouvoir de dénonciation renforcé. L'histoire personnelle du négociant en charbon - si elle n'est pas le propos principal - ajoute un côté intimiste qui permet au scénario de tenir debout et sensibilise, un peu plus, sur le destin des mères célibataires. Et la conclusion, si elle est ouverte au regard du scénario, n'est pas sans susciter l'espoir et préfigure ce qui arrivera quelques années plus tard (le film se déroule durant les années 80).

Marcus31
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Vu au cinéma en 2025

Créée

le 17 mai 2025

Critique lue 19 fois

2 j'aime

Marcus31

Écrit par

Critique lue 19 fois

2

D'autres avis sur Tu ne mentiras point

Tu ne mentiras point
Sergent_Pepper
7

Silent night, holy fight

Alors que l’actualité ne cesse de nous révéler les violences et la culture du silence dans les institutions religieuses, Tu ne mentiras point propose une sorte de retour dans le temps qui pourrait, à...

le 1 mai 2025

19 j'aime

3

Tu ne mentiras point
Cinephile-doux
6

Le choix du charbonnier

Ceux qui ont vu The Magdalene Sisters de Peter Mullan (2003) savent ce qu'est ce long "scandale" irlandais qui imprègne Small things like these, un faux conte de Noël écrit par Claire Keegan, adapté...

le 20 déc. 2024

13 j'aime

Tu ne mentiras point
Noel_Astoc
2

Oui mais nonnes

Partant d’un pitch alléchant, le cinéaste belge plombe son film à force d’effets appuyés, d’une psychologie lourdingue et d’un récit à la lenteur infinie. Il faut dire que l’interprétation de Cillian...

le 24 nov. 2024

10 j'aime

2

Du même critique

Papy fait de la résistance
Marcus31
10

Ach, ce robinet me résiste...che vais le mater

Ce qui frappe avant tout dans ce film, c'est l'extrême jubilation avec laquelle les acteurs semblent jouer leur rôle. Du coup, ils sont (presque) tous très bons et ils donnent véritablement...

le 2 sept. 2015

42 j'aime

5

Histoire de ta bêtise
Marcus31
10

A working class hero is something to be

Un pamphlet au vitriol contre une certaine bourgeoisie moderne, ouverte, progressiste, cultivée. Ou du moins qui se voit et s'affiche comme telle. On peut être d'accord ou non avec Bégaudeau, mais...

le 15 avr. 2019

33 j'aime

7

Madres paralelas
Marcus31
5

Qu'elle est loin, la Movida

Pedro Almodovar a 72 ans et il me semble qu'il soit désormais devenu une sorte de notable. Non pas qu'il ne l'ait pas mérité, ça reste un réalisateur immense, de par ses films des années 80 et du...

le 14 déc. 2021

25 j'aime