Tucker
6.9
Tucker

Film de Francis Ford Coppola (1988)

Tourner un Capra dans les 80’s d’après une improbable histoire vraie d’inventeur de bagnole géniale affrontant les trois méchants grands constructeurs dans une chouette reconstitution des années quarante, il n’y avait que Coppola pour réussir un truc pareil…

L’idée vient de Coppola héritier de son père propriétaire d'une Tucker et de George Lucas qui produit aussi le film, grand amateur de voitures de collections, il possède en propre deux des fameuses Tucker du film et pense que la vie du bougre recèle de quoi donner une ravissante petite histoire à l’ancienne…

C’est amusant d’ailleurs de raconter une success-story qui commence par « vous ne connaissez probablement pas ce type », déjà, c’est mauvais signe pour le happy-end, à moins que…

Jeff Bridges est alors tout fringant, en grande forme, presqu’un peu trop, le côté père de famille dynamique toujours heureux pourra en lasser plus d’un, surtout s’il passe son temps à brailler la même rengaine pénible d’une chanson douteuse… Avec ça, joli casting, Frederic Forrest, comme d’hab, Christian Slater en fiston, un Elias Koteas à demi-puceau en fidèle second, Lloyd Bridges en ennemi implacable et politicard de son fiston et surtout le somptueux Martin Landau qui s’entraîne déjà pour les rôles de vieillard magnifique qui suivront, comme si se faire nommer à l’oscar ici était la plus sûre voie pour l’obtenir quelques films plus tard dans une très émouvante version de Bela Lugosi finissant…

Alors c’est chouette comme tout, on zappe tout de suite le côté Tucker jeune flic traumatisé par les accidents de voiture, nous sommes dans les 80’s, pas les années deux mille, Dieu merci, ce qui intéresse ici, c’est la beauté des lignes, à une époque où on était encore capable de construire une bagnole harmonieuse, et c’est fou comme elle a de la gueule cette Tucker, surtout que toutes celles vues dans le film sont les originales, quarante ans au compteur, pas une ride, les salauds !

Comme dans tout bon Capra qui se respecte, l’individu se heurte aux magnats de la finance ou de l’industrie et aux politiciens véreux. La justice elle-même semble au service de la destruction des belles idées et quel espoir reste-t-il lorsque, à tout moment, les gros prédateurs peuvent changer à volonté les règles du jeu pour mieux dévorer leur proie…

Au début de la décennie, Coppola croyait inventer le cinéma électronique, Lucas n’a plus rien à prouver dans ce domaine, faut croire que ça leur parle ce genre de chose, surtout si on ramène ça à l’idée de créateur qui lutte contre les institutions, on sent que c’est du vécu, il y a même une très improbable affiche de Nikola Tesla dans le palais de justice histoire de pousser le patronage jusqu’au bout…
Avec ça, le népotisme habituel est bien là, il y a au moins une demi-douzaine de Coppola différents au générique et le côté famille de notre héros n’est peut-être pas à chercher très loin…

J’aime bien l’idée qu’une invention ne survit pas forcément sans pour autant être inférieure, qu’à une époque cohabitaient plusieurs modèles et que le temps nivelle tout ça pour en faire les objets un peu banals que nous ne regardons même plus. Je me souviens qu’un jour du mois dernier, assis sur une sorte de crapaud dix-huitième dont les pieds osaient ne pas former le carré habituel changeant par là complètement le centre de gravité du siège et jusqu’à la manière d’envisager ma position assise, j’avais une pensée attendrie pour toutes ces autres façons complètement différentes d’envisager le quotidien qui cohabitèrent quelques décennies, quelques siècles avec la façon un peu triste communément acceptée depuis et je suis content d’observer ici un exemple un peu concret de la chose, de revoir, si longtemps après ma vision d’enfance, un joli film sur le sujet.
Torpenn
7
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le 20 juil. 2013

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Torpenn

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