Tueur d'élite
5.8
Tueur d'élite

Film de Sam Peckinpah (1975)

Déroutant. C’est effectivement l’adjectif qui revient inlassablement quand il s’agit de poser un avis clair et objectif sur ce film de Sam Peckinpah. Oeuvre de commande, le film empile les genres, les tons et les paradoxes à tel point qu’il est difficile de savoir ce quel pied danser. Thriller paranoïaque, film de vengeance, espionnage, action, série B, film d’auteur, tout y passe un peu jusqu’aux séquences d’arts martiaux alors que le kung-fu est, en 1975, à son apogée dans le cinéma occidental. De toute évidence, le film est un drôle de fourre-tout et, s’il est sympathique, son manque d’unité le pénalise fortement. D’autant plus que son réalisateur semble s’amuser à désamorcer sans cesse les situations qu’il a créées. Pire, il désamorce même les genres qu’il fait s’entremêler. Quand la paranoïa grimpe, le récit éclaircit le propos ; quand le moment de la vengeance se présente, il est soigneusement évité ; quand une romance s’annonce, on fait comme si elle n’existait pas ; et tout à l’avenant. À ce titre, on a le sentiment que Sam Peckinpah se moque ouvertement du film de genre en nous retirant d’une main ce qu’il nous a montré de l’autre. C’est clairement déstabilisant voire frustrant.


Le maître de la violence se montre, par ailleurs, assez soft. On a bien droit à plusieurs fusillades et quelques de coups de poing ou de pied, mais le réalisateur lâche quelques fulgurances pour rapidement revenir à son récit. Un récit particulièrement dense tant les épisodes sont nombreux. Il aurait, par ailleurs, été certainement préférable que l’intrigue soit plus resserrée plutôt que de multiplier les péripéties de façon aussi courte. Ainsi la rééducation du personnage principal s’évacue en un petit quart d’heure à peine sans réussir à montrer ce qu’elle cache pour celui-ci. En étant aussi courte, elle minimise la blessure du protagoniste et ses motivations de vengeance. Son antagoniste incarné par Robert Duvall paraît, en outre, globalement sacrifié. Il est un moteur de l’histoire mais la confrontation entre les deux hommes est clairement survendue. Celui qui s’attend à un temps fort du film entre les deux hommes sera forcément déçu. Ainsi tout le film semble le condensé d’une série complexe et riche dont il faut désamorcer les potentiels développements pour ne pas excéder les deux heures de séance. Tout ceci est évidemment préjudiciable à l’ensemble.


Si le résultat en pâtit, il ne mérite cependant pas son aussi mauvaise réputation. La patte de Sam Peckinpah se retrouve dans de nombreuses séquences filmées avec un évident sens du rythme et une caméra remarquablement mobile. L’interprétation de ce parfait casting est évidemment aux petits oignons et les coups de canif envoyés ici ou là sont d’une ironie mordante. On sent bien que le réalisateur n’a pas toute latitude pour donner davantage de souffle à l’ensemble mais le film se révèle un sympathique divertissement qui remplit le cahier des charges avec un certain talent.


Play-It-Again-Seb
6

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le 26 oct. 2025

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