터널 / Tunnel (Kim Seong-hun, Corée du Sud, 2016, 2h16)

Suite au formidable ‘’A Hard Day’’, pour sa troisième réalisation Kim Seong-hun fait le choix peu évident d’un film-concept, qui aurait pu très vite tourner à vide. Le pitch est plus que simple, et tout le déroulé de l’action s’articule autour de ce postulat. Un homme d’affaire, en route pour chez lui, est enseveli vivant sous un tunnel qui s’effondre au-dessus de lui. Le problème est que le dit-tunnel se situe sous une montagne, qui en a profité pour s’affaisser.


Dès lors, s’organise les secours pour tâcher de sortir au plus vite Lee jung-soo de sa tombe de béton. Mais le défi technique s’avère bien plus ardu que prévu, et ce qu’il va falloir aux sauveteurs, ce sont des jours, voir même des semaines. L’effort est incroyable et rapidement Jung-soo devient la mascotte des médias, du moins dans les premiers temps.


Sous terre, sa vie s’organise. Ayant rechargé son téléphone avant de prendre la route, il lui reste suffisamment de batterie pour rester un temps en contact avec les secours, sa femme, ainsi que sa fille. La providence a également mise deux bouteilles d’eau dans sa voiture, denrée qu’il économise scrupuleusement. Tout comme le gâteau d’anniversaire plein de crème, destiné à sa fille, qui lui offre quelques vivres.


Rapidement, une routine s’installe, hors du temps. C’est là le genre de piège inhérent à ce type de métrage, qui peut vite tomber dans la redite, voir dans l’ennuie. Heureusement, ce n’est pas le cas ici, et au contraire même c’est particulièrement bien rythmé, et passionnant à suivre. À mesure que l’on vibre avec Jung-soo. En partageant à la fois ses moments d’allégresses, mais aussi ces moments où il perd un peu la boussole.


Le récit suit à la fois l’attente de Jung-soo, et l’acharnement de De-Kyung, un secouriste qui donne absolument tout ce qui est en son pouvoir pour sortir le plus rapidement le prisonnier du tunnel. Sur le site de secours, où ils installent un forage, le quotidien s’organise, rythmé autour d’une seule chose : Sauver Jung-soo. La femme de ce dernier Se-hyun, ne quitte pas les lieux une seconde, se rendant même utile dans l’organisation des journées.


Ce qui intéresse principalement Kim Seong-hun dans cette histoire qu’il nous conte, est le rapport qu’entretiennent les personnages. Le film est ainsi traversé de nombreuses séquences où l’indice humain est repoussé dans ses limites les plus extrêmes. Allant même directement puiser dans le drame et la tragédie pour appuyer le propos. Tout d’abord il y a Jung-soo, l’innocent coincé par la chute d’un édifice mal construit. Ensuite il y a Se-hyun, sur qui l’accident a un impact, qui s’étend à tout son entourage. Enfin, De-kyung, incarnation des secouristes en première ligne, ceux qui se livrent à tous les dangers.


C’est là la toile des liens qu’entretiennent les personnages, et qui permet de faire tenir le métrage, en le rendant vraiment passionnant. Car mis à part la spectaculaire séquence d’introduction, qui montre le tunnel s’effondrer, le reste est dénué d’action où de moment aussi épique. Le risque aurait clairement été qu’à partir de là le film s’enfonce lentement, s’écroulant lui aussi, autour de son concept. Hourra, ce n’est pas le cas.


Au-delà de ces rapports, ‘’Teoneol’’ se permet quelques pics bien senti contre les médias. Alors fraîchement enseveli, après avoir contacté les secours, Jung-soo reçoit l’appel d’un journaliste en quête de sensations. Il lui demande des détails sur la situation, au détriment du drame qui se joue, et au mépris total de sa survie. Un entretien téléphonique consommant énormément de batterie, pourrait laisser Jung-soo encore plus isolé.


La critique de médias déshumanisés revient à plusieurs reprises. Comme lorsque la mission de secours n’en finit plus, et que Jung-soo devient un boulet plus qu’autre chose, l’opinion public se retourne contre lui. Les journaux télévisés se questionnent sur la nécessité d’un tel déploiement humain et technologique pour le salut d’une seule personne.


Sur les plateaux de télévision, des pseudo-‘’experts’’ qui n’en savent pas plus, viennent raconter un peu n’importe quoi, du moment que ça va dans le sens de l’opinion. Mais l’hypocrisie ne s’arrête pas là, puisqu’entre en jeu Les actionnaires. Eux-aussi commencent à se demander si les dépenses journalières d’une telle opération valent vraiment la peine, pour sauver un pauvre type.


Avec ses relents de ‘’Ace in the Hole’’, l’un des nombreux chef-d’œuvre de Billy Wilder, sorti en 1951, qui insistait sur l’exploitation médiatique d’un type coincé dans une mine, le métrage de Kim Seong-hun se positionne sur les mêmes réflexions. Usant d’un mode moins caustique, mais tout aussi satirique, il pointe avec intelligence les manipulations médiatiques, ainsi que l’épouvantable calcul de bureaucrates déconnectés, pour estimer la valeur financière d’une vie. Des monstres en costard-cravates, qui pensent dividendes avant de penser existence.


Remplit de surprise, ‘’Teoneol’’ est une œuvre riche, haletante et réflexive, Une véritable aventure humaine n’oubliant jamais de distiller un suspens tenant en haleine de bout en bout. Pointant ici et là l’absurdité des sociétés capitalistes, où la survie d’un homme a d’abord un coût. Un film loin d’être bêta et redondant, qui nous invite à repenser un minimum les limites d’un monde humain, qui oubli trop souvent son facteur principal, qui en fait pourtant toute sa force.


-Stork._

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le 17 mai 2020

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