Avec Fire Walk With Me, David Lynch invente un nouveau concept : la préquelle qui ne se regarde que comme une suite pour initiés.


On y retrouve tous les ingrédients de son cinéma, et surtout l’alternance entre ses deux personnalités schizophréniques : le réalisateur discret, qui s’efface et laisse ses personnages de feu prendre vie lors de scènes d’anthologie, et le réalisateur mystique, qui s’exprime en figures de styles volontairement cryptiques.


Lorsque Lynch laisse vivre ses personnages et fait simple, les scènes éblouissantes se succèdent. On prends un leçon de cinéma lors


d’une danse érotique au One-Eyed Jack, à l’enterrement de Mike, lors de la scène d’inceste, lors du meurtre de Teresa devant son téléviseur…


On se laisse porter par la descente aux enfers tragique de Laura Palmer, qui s’enfonce et laisse filer une à une toutes ses chances de rester à flot, la menant vers sa fin inéluctable. Une mention pour Sheryl Lee, extraordinaire, qui incarne une femme complexe et surprenante.


Et puis, il y a l’autre réalisateur. David Lynch le cryptique, qui manipule les symboles, construit un récit alternatif. On ne sait pas trop s’il cherche à nous dire quelque chose, tellement les éléments d’interprétations se dérobent, ou s’il se force et se parodie parce que c’est lui, parce que c’est Twin Peaks. Les amateurs de puzzle seront aux anges, les autres resteront sur la touche. Alors, on se laisse porter et on accepte le trip, en se demandant bien ce qu’on rate et s’il y a vraiment un message si intelligent que ça derrière le grotesque.


Quant au fan service, il est au cœur du film (ne le regardez surtout pas avant la série!), mais reste dosé avec modération. Les acteurs qu’on aime sont (presque tous) de retour, les caméos sourient à la caméra mais ne s'attardent pas, et les trous scénaristiques sont comblés sans forcer. En même temps, le film n’apporte pas tellement plus, et les surprises se font rares. La lecture de la série en sera un peu plus complète, mais pas renouvelée.


Au final, Fire Walk With Me est un film prenant, avec de grandes scènes et des personnages forts, mais qui reste tout de même dispensable. Quelques scènes virtuoses ne masquent pas que le fil conducteur reste assez mince, et que le film fait peu d'effort pour nous surprendre ou dévier de sa trajectoire finale connue dès le synopsis.


Il nous offre quand même le plaisir de revenir pour un court séjour à Twin Peaks, et de retrouver le plaisir de rentrer chez soi en écoutant la bande originale de Badalamenti, le sourire aux lèvres, une dernière fois.

Lamamalin
7
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le 16 janv. 2022

Critique lue 70 fois

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