Leonard est atteint de la maladie de Tay-Sachs. Il ne prend pas régulièrement son traitement, ce qui entraîne un comportement maniaco-depressif. Il est un peu puéril, très réservé, et suicidaire.
Il travaille dans la blanchisserie de ses parents. Son père lui présente Sandra, la fille d'une connaissance. En même temps, il rencontre Michelle, une voisine.
Ce quatrième long métrage de James Gray paraît étrange dans sa filmographie, habituellement réservée aux histoires criminelles. Et pourtant, quand on y regarde de plus près, tous ses thèmes de prédilections sont là.
A commencer par la famille. Gray a toujours filmé des histoires de famille. Des individus au sein d'une famille. Le problème majeur des personnages de James Gray, c'est de développer une personnalité indépendante au sein d'une famille envahissante. Et c'est exactement ce qui arrive à Leonard. Finalement, malgré son âge déjà avancé (une bonne trentaine d'années), Leonard fait sa crise d'adolescence. Le choix d'une copine est, en partie, affaire de sentiments, mais aussi une position morale par rapport à ses parents. Sandra, c'est la fille adoubée par papa-maman. Michelle, c'est celle qui symbolise une sorte de rébellion contre les parents. La preuve : avec Michelle, il prévoit de partir au loin, en Californie, de l'autre côté du pays ; Michelle pourrait entraîne Leonard vers l'indépendance. Sandra l'enfermerait encore plus dans un héritage familial : même métier que son père, mêmes réunions familiales (Bar-Mitsva), etc.
Au sein de cette famille, comme toujours chez James Gray, la mère tient un rôle particulièrement important. Vanessa Redgrave dans Little Odessa, Ellen Burstyn dans The Yards, Isabella Rossellini dans Two Lovers. De grandes actrices pour des rôles essentiels. Une mère, ici, qui infantilise un peu son fils, mais qui, finalement, le comprend et accepte ses décisions.

L'autre thème majeur du cinéma de Gray, c'est New York. Il est un des cinéastes qui filment le mieux cette ville. Il sait la représenter, car il s'attarde essentiellement sur des quartiers plus populaires (même si le film fait deux ou trois incursions dans Manhattan, mais on sent que Leonard n'y est pas très à l'aise).
La réalisation est très proche de Leonard. Gray fait ici un film très émouvant, tant sa caméra reproduit les sentiments du personnage. Jusqu'à en devenir charnel, sensuel parfois, à l'opposé de la réalisation froide de Little Odessa (mais l'histoire est très différente aussi, et le cinéaste s'y adapte). Toutefois, Gray évite tout pathos et toute effusion de sentiments, et on ne peut que lui en être redevable.
Certaines scènes sont vraiment très émouvantes, comme celle où Leonard est caché derrière la porte dans la chambre de Michelle...
Le film dessine une description très subtile des sentiments de Leonard, mais surtout de l'impossibilité de connaître vraiment les sentiments de l'autre. Et le scénario avance sur ce fil : je crois la connaître, mais je me trompe. Les sentiments n'apportent aucune certitude, et c'est ce qui permet d'en jouer. On peut faire croire qu'on aime une personne en espérant la bluffer, mais comment être sûr d'être aimé ?
L'interprétation est excellente, et j'ai retrouvé avec plaisir Elias Koteas, acteur trop rare à mon goût. Mais il faut bien dire que tous les acteurs, quel que soit leur talent, sont éclipsés par la performance exceptionnelle de Joaquin Phoenix. Il est tout simplement prodigieux. Peu d'acteurs sont capables de reproduire ce qu'il faut dans ce film. Rien que pour lui, il faut voir ce grand film.
SanFelice
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le 10 janv. 2013

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