Immersion au royaume de la compromission

À l'image de ses deux précédents longs métrages, Stéphane Brizé a le mérite de rester sur un travail du réel sur l'existence des travailleurs dans le système d production capitaliste actuel qu'il souhaite toujours approfondir et développer à travers différents profils, différents sur la forme mais victime des mêmes maux dans le fond.


Après le chômeur, puis le syndicaliste, place au dirigeant d'entreprise. Modes de vie et parcours différents, langage et vocabulaire adaptés au contexte, et une posture qui varie selon l'individu. La conclusion de ces films reste similaire : le capitalisme détruit des hommes et des femmes. Sans considération aucune et avec pour seule ligne directrice le marché, dans Un Autre Monde le tout-puissant est nommé "Wall Street".


On observe les dégâts engendrés par capitalisme sur les personnages : compromission, trahison, lâcheté, destruction de la cellule familiale, mensonge.


Les points forts du film résident dans le vocable des dirigeants d'entreprise et de l'actionnariat et l'approche très réaliste de certaines séquences : je pense notamment à l'ensemble des moment traitant du plan social à mettre en œuvre. On est dans les coulisses et même si l'on a jamais vécu ces moments là, à moins d'être dans la classe social de ces individus (cadres supérieurs et dirigeants d'entreprise), on ressent la réalité des propos et la compromission dont ils sont victimes.


C'est à la fois rageant de se dire que toutes ces vies dépendent du bon vouloir de ces actionnaires, et en même temps enrichissant pour toujours mieux comprendre le fonctionnement du mode de production capitaliste. Ce sont ici les principales forces du film.


La vie privée du personnage principal, interprété Vincent Lindon toujours convaincant dans ce type de rôle, permet de mettre en relief les dégâts occasionnés par ce travail sur sa personne. C'est une souris de laboratoire exploité et pressé : la répétition de certaines séquences (salle de sport, prise de médicament, repas devant l'ordinateur) montrent très bien cet aspect.


Je mettrai un petit bémol sur le personnage de son fils, j'ai eu un peu de mal à saisir l'origine de ses maux. À vraie dire on a l'impression qu'il est atteint d'une maladie mentale et se retrouve dans une sorte d'asile psychiatrique alors que qu'il a été victime d'un burn out. J'ai trouvé ces séquences mal gérées et troublantes me concernant.

Ssird
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le 25 févr. 2022

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