Même Vanessa Paradis n'a pas réussi à saborder le film !

Et pourtant, ce n'était pas faute d'essayer. Dès la première scène, dans la cabine téléphonique, son jeu abominable (un surjeu d'une exagération qui fait immédiatement faux) ruine instantanément tout le potentiel de son histoire, et il en sera de même presque à chaque fois qu'elle doit faire passer une émotion. Heureusement, ses tenues plutôt stylées flattent l'oeil et parviennent à la faire oublier le reste du temps. Le reste est à nouveau un film fantasme, moins barré que Les garçons sauvages, moins auteurisant que Les rencontres d'après minuit, mais incontestablement nostalgique de l'outrance des années 70 et de l'hédonisme qu'on lui associe. Toujours loin des problèmes de sida (ceux de la jalousie sont en revanche un peu plus au coeur du récit), on est constamment dans l'euphorie d'une époque, et les personnages qui traversent le film en répertorient les archétypes avec un sens du détail toujours plaisant. Le film développe son univers fantasmé sur deux registres : la nostalgie (qui passe essentiellement par les personnages) et l'hommage cinéphile, qui pastiche de nombreux genres en les pliant aux exigences du porno-gay, tout en intervenant de façon plus sérieuse avec le tueur entièrement fondé sur les codes du giallo. Grand mélange de style, fidèle jusque dans les aberrations de ses modèles (la dérive vers le fantastique qui développe la mythologie des oiseaux précédant le tueur), Un couteau dans le coeur est ivre de ses référence, et veut griser son spectateur par la beauté de ses images. Le réalisateur Yann Gonzalez abandonne de nombreux tics présents dans son précédent effort (Les rencontres d'après minuit) pour donner un résultat plus fluide et vivant, fréquemment en changement d'ambiance (et adepte d'expérimentations visuelles, voir les séquences en négatif stroboscopiques).


On achève le spectacle sur un des meilleurs génériques de ces dernières années, totalement à l'image hédoniste des ambitions du film. Il est fort agréable d'ailleurs de constater que ce film totalement gay a su remarquablement se dissocier tout message autre que ses aspirations esthétiques (on vanne un peu la police sans aller plus loin), et finalement nous offrir le meilleur de ses modèles, pour un numéro de fantasme (un peu fétichiste) qui va passer à la postérité dans son rayon. L'année 2018 se révèle être la meilleure année pour le cinéma gay depuis 2013.

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le 20 oct. 2018

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Voracinéphile

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