Long poème onirique

Un homme, à la profession mystérieuse (détective ?), parcourt sa région natale à la recherche d'une femme avec laquelle il a vécu un amour fugace et inachevé. Le film de Bi Gan nous plonge alors dans un long périple où souvenirs et rêves se mêlent sous la lumière des néons et de la nuit.

Chaque plan d'Un grand voyage vers la nuit est un émerveillement, grâce à un travail d'orfèvre maniant avec brio reflets aquatiques, transparences vitrées, ondes lumineuses, brumes enneigées, moiteur estivale. Comme dans Kaili Blues, le jeune cinéaste chinois nous livre également un spectaculaire plan séquence de plus d'une heure durant lequel notre protagoniste déambule, à pieds, en moto, en volant, le village de son enfance, où il croise, ou pense croiser, sa mère et la femme de sa vie.

Et pourtant, le film de Bi Gan m'a déçu. Après le coup de force de Kaili Blues, son deuxième long métrage a trop tendance à s'appuyer uniquement sur la performance technique, l'esthétisme poussé à outrance, au détriment de l'histoire et de ses personnages. Tels des fantômes, les acteurs parcourent avec un air absent tous les plans. Les dialogues s'apparentent trop souvent à de beaux poèmes désincarnés.

Le plan séquence est pour moi l'incarnation des limites de ce cinéma, où le dispositif technique supplante le récit et les émotions. Au lieu d'être plongé dans le rêve du protagoniste, j'ai plutôt eu l'impression d'assister à une performance artistique artificielle qui manquait finalement de vérité.