Un silence
5.8
Un silence

Film de Joachim Lafosse (2023)

Un silence, annonce sans chichi le titre qui claque fièrement, sûr de sa puissance toute minimale. Mais, in fine, il sera davantage question ici du poids du silence. Du poids du déni. Du poids des mensonges familiaux qui vous plombent l’ambiance pendant des années jusqu’à l’implosion, le déchirement inévitable. S’inspirant de la retentissante (en tout cas en Belgique) affaire Victor Hissel, Joachim Lafosse entend ausculter la part d’ombre d’une famille bourgeoise d’avocats que la duplicité et la honte ont désunie, lentement rongée, du père se trimballant un lourd secret à la mère se réfugiant dans la préservation des apparences, en passant par leurs deux enfants qui, chacun à leur manière, réagissent face aux soubresauts d’une réalité peu avouable et soudain jetée en pâture.

Un silence ressemble souvent à du Haneke (on pense notamment à Caché, déjà avec Daniel Auteuil), Lafosse s’ingéniant à parfaire une mise en scène qui fuit l’esbroufe, étire les plans, les répète (en particulier ceux dans des voitures, très nombreux, trop nombreux même) et cherche à elle seule à révéler, dans les silences, dans les gestes et sur les visages, les dysfonctionnements et la vérité qui gangrènent une famille. Car le scénario, lui, se montre particulièrement avare en divulgations et en faits révélateurs, et le saisissement des enjeux du récit se construit par à-coups, sur le long terme. Et surtout dans l’ennui, et ce malgré le dévouement des acteurs à jouer constamment en mode non-dits, moue dure et regards en coin.

Car à trop vouloir distiller, éparpiller façon puzzle, ledit récit ne cesse de se diluer dans cette volonté d’en dire (et d’en faire) le moins possible. Résultat : entre deux interminables non-événements (on se baigne dans la piscine, on roule en voiture, on arpente la maison, on travaille et on dort…) et avec cette sensation, désagréable, que le film fait du sur-place, on attend un micro-bout de micro-information et de micro-indice (à saisir rapidement au détour d’un dialogue ou d’une scène) qui nous permettra de progresser dans la compréhension de l’intrigue. Ce n’est pas qu’elle soit compliquée en soi mais, sûr de son coup, Lafosse la délaie à dessein (lequel d’ailleurs, sinon la recherche d’une pseudo radicalité narrative ?), la rendant finalement quasi insignifiante quand elle promettait une déflagration émotionnelle au vu de ce qu’elle draine en drames intimes et humains. Un silence, dès lors, n’a rien d’un choc, a minima d’un bon film, mais d'un supplice ; du supplice de la goutte d’eau.

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mymp
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le 16 janv. 2024

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