La fin d'année 2025 aura décidément décliné au cinéma toutes les importantes facettes du mot politique. Après Oui, claque vertigineuse, cruelle, chien enragé du paysage filmique, voici ce Simple Accident qui a, bien différemment (puisqu'il crie "non !" de toutes ses forces) mais de manière aussi marquante que son homologue israélien, la même hargne et rien de si simple.


Force est d'admettre qu'avec ce film, qu'on pourra aisément féliciter pour sa récompense suprême à Cannes, Palme tant politique qu'évidente au regard de la sélection de l'année, Jafar Panahi, s'il demeure prétentieux par sa mise en scène sûre de ses effets, démontre son absolu maîtrise d'une œuvre complexe et coup de poing, sa juste pondération des rebondissements, même dans un final évident, dans sa prévision comme dans sa nécessité.


Malgré son rythme soutenu et haletant, et ses nombreux plans séquences impressionnants de justesse, le film n'oublie jamais de proposer des respirations, tant dans son sujet, en distillant çà et là quelques gouttes de sensibilité, que dans ses personnages, progressant comme une petite troupe de théâtre forcée de partager une journée, dans ce qu'elle aura de plus tragique, de violent et de cocasse.


Cette virée vengeresse n'enlève rien non plus à la complexité du monde, quand le tortionnaire se révèle dans son humanité et à travers dévoile un système composé d'individus. Les dilemmes moraux pleuvent alors : faut-il user de la violence pour répondre à la violence ? Faut-il penser système ou individalité ? Faut-il faire montre de magnanimité face à un ennemi qui n'en a jamais eu ? Faut-il baisser les bras ou continuer ?


L'avant-dernière scène, aussi terrassante que l'est la première, est en ceci d'une intelligence et d'une frontalité insoutenable, tant elle inverse un temps les processus de domination, questionne le concept de violence politique utile dans une poussée d'humiliation bouleversante, et ramène comme une respiration bienvenue un semblant d'empathie.


Loin d'un hasard, Un Simple Accident est un grand film qui dans son économie de moyen fait pénétrer la violence étatique et religieuse dans les corps humains. Et grâce ce jeu d'échelle, fait résonner l'intime au niveau universel.

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le 7 oct. 2025

Critique lue 33 fois

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Charles Dubois

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