Je vais encore être le rabat-joie qui veut gâcher la fête, sans le moindre succès évidemment, mais je n’ai pas du tout été convaincu par cette Palme d’or.


Pour commencer, j’ai trouvé le jeu des acteurs pas terrible (pour être plus honnête, seul le comédien principal parvient de temps en temps à être bon !), surtout dans les séquences de conflits qui, pour moi, sonnent faux — non, se contenter de hurler le plus haut possible ne suffit pas à insuffler de la vérité dans son interprétation. Et comme les personnages sont souvent amenés à s’énerver les uns contre les autres ou contre les circonstances, il est inutile de préciser que c’est très gênant, dans la mesure où cela phagocyte très gravement toute possibilité de tension dramatique. Ce qui fait en partie que ce qui aurait dû être un sommet d’intensité, lors d’une des dernières séquences, est un ratage embarrassant.


Je fais référence, bien sûr, au craquage psychologique du bourreau, qui, en outre, apparaît plaqué, sortant de nulle part, tant il est précipité, notamment faute de signes progressifs au niveau des expressions, des mouvements corporels ou des intonations — sans parler du fait que, durant un très gros morceau du long-métrage, on ne le voit pas physiquement, car il est enfermé dans une caisse, endormi avec des somnifères. Donc, pour qu’on ressente une éventuelle usure mentale de sa part, c’est mal barré. Pour en revenir à la scène en question, plus en détail, il est attaché à un arbre, les yeux bandés, mais arrogant, assumant pleinement ses actes, les justifiant avec vantardise, rabaissant ses victimes. La minute d’après, juste parce qu’il s'est fait un peu secouer, un peu battre et un peu insulter par un des personnages féminins, il se met d'un coup à chialer sa race en exprimant des remords. Ça, c’est de l'ultra grosse facilité scénaristique pas crédible un seul instant qui tache de la mort.


J’aurais peut-être été un poil moins sévère si je n’avais pas eu constamment un point de comparaison bien précis en tête : Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof. Pour tout vous avouer, c’est ma Palme d’or 2024 — même si j’ai bien apprécié Anora, je n’ai pas de problème avec ça — et mon gros coup de cœur de l’année précédente, tous films confondus.


Cette autre œuvre iranienne, elle aussi tournée sans autorisation et dans la clandestinité, est un modèle absolu de tension permanente, avec des personnages dont on comprend constamment les motifs qui les poussent à commettre tel ou tel acte, le tout avec des interprètes magistraux, totalement habités par leur rôle. En outre, si le film de Rasoulof dit beaucoup, il montre aussi énormément, alors que celui de Panahi se contente de dire là où il aurait pu beaucoup plus montrer. En conséquence, les deux heures et cinquante minutes des Graines m’ont paru durer une heure et quarante minutes, l’heure et quarante minutes d’Un simple accident m’a paru durer deux heures et cinquante minutes.


Pour résumer et pour conclure, Un simple accident m’a laissé la désagréable impression d’un film lourdement bavard et démonstratif, qui croit faire monter la tension, mais ne fait que l’annoncer sans jamais la rendre palpable. En rien aidé par un jeu d'acteurs globalement médiocre, le résultat sonne faux. Là où Les Graines du figuier sauvage m’avait saisi par sa force et sa justesse, le film de Panahi m’a paru creux et laborieux. Une sortie de route palmée qui me laisse complètement sur le bas-côté.

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