Palme d'Or au Festival de Cannes 2025, Un simple accident marque le retour de Jafar Panahi sur la Croisette. Tourné clandestinement en Iran sans autorisation officielle, ce thriller moral raconte l'histoire de Vahid, mécanicien et ancien prisonnier politique, qui croit reconnaître son tortionnaire à sa démarche caractéristique. Après avoir kidnappé cet homme, il rassemble d'autres victimes pour décider de son sort – mais le doute s'installe face à ce père de famille qui nie farouchement.

Plusieurs jours après la projection, une impression étrange persiste, presque désagréable, comme un arrière-goût amer. Le sujet est grave, la situation n'a rien de réjouissant, et pourtant on a l'impression d'avoir assisté à une pièce de théâtre de boulevard. Cette comparaison force le trait – Panahi n'est pas un cinéaste de mauvais goût – mais il règne une atmosphère dérangeante, surprenante, et pas dans le bon sens du terme.

Le surjeu des comédiens, sans doute généré par les contraintes du tournage clandestin, renforce cette impression d'artifice. Concentrer le récit dans un van – espace clos et étouffant – accentue la dimension théâtrale. L'unité de temps, avec une action se déroulant sur une seule journée, ajoute une dose de convention dramaturgique qui dessert paradoxalement le propos.

Par moments, le film évoque les sketchs à l'italienne des années 70 : des situations cocasses mais peu crédibles qui diluent l'intensité dramatique. Certaines scènes oscillent entre tension psychologique et comédie involontaire, créant un malaise qui semble échapper au contrôle du réalisateur.

Malgré son palmarès prestigieux et son courage politique indéniable, Un simple accident laisse un souvenir mitigé. La distance théâtrale imposée cache peut-être une profonde désillusion du cinéaste sur l'humanité, mais elle érige surtout une barrière émotionnelle qui empêche toute immersion dans le drame. Panahi n'a peut-être pas su – ou pas pu – trouver le juste équilibre entre la tragédie vécue et cette étrange « comédie de la vie ».

Un film courageux et formellement ambitieux, mais dont la mise en scène artificielle et le ton inégal trahissent un propos qui aurait mérité davantage de sobriété.


Braucol
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