Un couple de riches occidentaux "désorientés" se mettent au défi de voyager dans le désert du Sahara, comme on opposerait l'Everest à l'amour. Voir Tanger et mourir, ce sont en quelques mots les horizons lointains qui vont nous subjuguer, et s'offrir aux yeux clairs de ces deux âmes en peine.
S'y retrouver, s'y perdre, là est leur question. Il sont encore flanqués de la triviale difficulté d'un troisième larron (Campbell Scott), plutôt trouble, amoureux transi de Debra Winger (bouleversante). Mais là n'est pas l'essentiel. C'est encore trop simple de tromper son mari (John Malkovitch époustouflant) et son ennui, sa mélancolie dans les bras d'un autre, une nuit, prise des effets du champagne et sous d'autres climats. Non. La véritable quête s'inscrira dans le sable, la poussière, et dans un ailleurs, dans ce que les amants ne sont pas, plus... L'un et l'autre basculeront dans une sorte de folie, malheureusement tour à tour. Jamais ensemble.
Bertolucci nous plonge ainsi dans le sublime roman éponyme de Paul Bowles, et trouve en ses interprètes de magnifiques incarnations de Porter et de Kit. Une errance aux portes de l'enfer, deux époux en quête d'un paradis impossible.
L'on pourra disserter des heures, le but reste bien de se perdre avec eux. Dans des images absolument renversantes déjà, dans ces rythmes, ces chants, cet enivrement du Maroc, l'on cherchera ses odeurs, la température du jour et de la nuit. C'est en effet Dantesque. Il y a cette terre , et leurs aspirations. Rien n'est plus simple, rien n'est plus vrai. Impossible de tricher, lors qu'ils sont mis à nu, débarrassés de toute superficialité. L'esprit, les esprits du désert entourent donc leurs amours mortes, les cernent, promettant ainsi le sel des pires révélations. La vie ne fait pas de cadeau dit la chanson, peu importe où elle se joue. Mais le bout du monde offre des miroirs plus vertigineux encore. Jouer là bas avec l'amour, équivaut aussi à jouer avec la mort.
Car la maladie s'en mêle, la fièvre... C'est ainsi que le destin frappe...Mais...Inutile d'aller plus loin, pour ne rien déflorer. Revenir sur ce magnifique film quelques 35 ans plus tard, passer outre son échec relatif à l'époque, c'est aussi revenir sur l'oeil et la plume de Bertolucci, l'ensorceleur, qui n'a cessé dans son cinéma de filmer dans les failles, au plus près des vertiges de l'existence.
Il est ici des heures sublimes, des plans rares, une distribution possédée, l'esprit du désert et de la folie. L'amour est là, bien vivant, et c'est parce qu'il reste insaisissable, que la tragédie est parfaite de ces deux amants qui s'épousent pour la vie, pour le pire et au delà de la mort.