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Under the Shadow

📅 AnnĂ©e : 2016

🎬 RĂ©alisation : Babak Anvari

🌍 Pays : Royaume-Uni

🎭 Genre : Horreur

⭐ Ma note : 8/10

Dans le TĂ©hĂ©ran des annĂ©es 80, entre deux alertes aux bombardements et trois coupures d’électricitĂ©, une mĂšre tente de garder son appartement en ordre, sa fille en vie, et un djinn manifestement peu respectueux du rĂšglement de copropriĂ©tĂ© Ă  distance. Under the Shadow associe l’horreur domestique au rĂ©alisme d’une guerre bien rĂ©elle, comme si un film de possession avait dĂ©cidĂ© de s’installer en plein conflit Iran-Irak faute d’un logement plus calme.

Le film parvient Ă  faire ce que bien des blockbusters Ă©chouent Ă  rĂ©aliser malgrĂ© un budget pyrotechnique : crĂ©er une tension authentique en exploitant des Ă©lĂ©ments fort modestes — un voile, un couloir, un plafond qui grince, et le sentiment que mĂȘme les murs complotent. Le fantastique s’infiltre lentement, avec la dĂ©licatesse d’un courant d’air sous une porte avant de renverser tout l’appartement. Il faut saluer la performance de Narges Rashidi, qui rĂ©ussit l’exploit de paraĂźtre Ă  la fois rationnelle, Ă©puisĂ©e et Ă  deux doigts d’insulter un dĂ©mon par manque de sommeil.

Le choix d’un dĂ©cor rarement exploitĂ© par le cinĂ©ma d’horreur occidental donne au film une singularitĂ© apprĂ©ciable. Non content d’effrayer, il aborde au passage la pression sociale envers les femmes, l’oppression religieuse et la psychĂ© d’une population vivant sous les missiles. Comme souvent, le monstre n’est peut-ĂȘtre pas celui qu’on croit, mĂȘme si celui-ci a l’avantage de se manifester avec un sens du timing trĂšs professionnel.

Tout n’est pas exempt de lĂ©gĂšres turbulences : l’escalade surnaturelle reste par moments un peu conventionnelle, et le djinn aurait pu se montrer plus inventif que la moyenne — mais il est vrai qu’il travaille dĂ©jĂ  dans des conditions assez stressantes.

En rĂ©sumĂ©, Under the Shadow rĂ©ussit Ă  faire frissonner sans renoncer Ă  la finesse. Un film d’horreur intelligent, tendu, Ă©lĂ©gant, qui prouve qu’avec un appartement, deux actrices talentueuses et une malĂ©diction bien Ă©levĂ©e, il est possible de faire beaucoup plus que la plupart des productions oĂč les dĂ©mons disposent pourtant d’un budget effets spĂ©ciaux nettement supĂ©rieur.

đŸ‘» Dans le mĂȘme style :

- Mister Babadook (The Babadook, 2014) de Jennifer Kent — Une mĂšre Ă©puisĂ©e, un enfant au bord de la dĂ©mission psychologique, et un monstre qui ne respecte pas les heures de visite : la parentalitĂ© comme genre horrifique Ă  part entiĂšre.

- L'Ă©chine du diable (El espinazo del diablo, 2001) de Guillermo del Toro — Une guerre, un orphelinat, un fantĂŽme introverti : quand l’Histoire fait dĂ©jĂ  suffisamment peur, mais qu’un esprit dĂ©cide tout de mĂȘme d’en rajouter.

- Sa maison (His House, 2020) de Remi Weekes — Un couple de rĂ©fugiĂ©s dĂ©couvre que leur nouvelle maison est hantĂ©e ; comme quoi, mĂȘme en quittant un pays en guerre, il reste du travail administratif Ă  faire avec l’au-delĂ .

- Under the Skin (2013) de Jonathan Glazer — Une prĂ©sence surnaturelle observe l’humanitĂ© avec le mĂȘme enthousiasme qu’un contrĂŽle fiscal : froid, clinique, mais Ă©trangement fascinant.

- 2 SƓurs (Janghwa, Hongryeon, 2003) de Kim Jee-woon — Une maison reculĂ©e, des secrets familiaux, et des apparitions qui auraient certainement pu ĂȘtre Ă©vitĂ©es avec un peu plus de communication autour de la table du dĂźner.

- L'Orphelinat (El orfanato, 2007) de J.A. Bayona — Une femme revient dans son ancienne maison transformĂ©e en orphelinat, ce qui prouve qu’inviter des enfants n’est jamais une bonne idĂ©e lorsqu’on souhaite un quotidien paisible.

- Relic (2020) de Natalie Erika James — Trois gĂ©nĂ©rations de femmes et une maison qui se dĂ©compose avec la mĂȘme motivation que la mĂ©moire de la grand-mĂšre : l’horreur comme mĂ©taphore patrimoniale.

- It Follows (2014) de David Robert Mitchell — Une malĂ©diction transmissible qui poursuit avec la dĂ©termination d’un facteur en retard dans sa tournĂ©e. Minimaliste, implacable, et peu encourageant pour les sorties nocturnes.

Laurent_Duverdi
8
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le 31 oct. 2025

Critique lue 5 fois

Laurent Duverdier

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