Il faudrait trouver un obscur jeu de mot en anglais, ça ferait un bon titre de critique

Qui est-elle, au juste ?

Dans cette chambre du bout du monde, le miroir lui renvoie une image d’elle-même incongrue. Celle d’une masse de chair ferme, aux cheveux de jais, aux yeux trop clairs, difforme par ses excroissances que les hommes semblent tant apprécier chez elles : ses seins, ses hanches, ses fesses.
Elle lève une jambe, la repose, et soulève l’autre, la repose, dans un balancement hypnotique. Dans le miroir, son reflet fait de même.
Ses yeux verts l’observent fixement. Elle tente de comprendre la fascination que ce corps exerce, ce corps qui fait que certains osent monter avec elle dans la camionnette, la suivre dans ces taudis impossibles, et se déshabiller avec elle, le sexe droit, l’œil rivé sur elle.
La fille du miroir tord l’échine et suit ses vertèbres du bout des doigts.
La souplesse de son dos l’étonne. Ce corps semble si fragile. Elle se demande pourquoi les motards ont bien pu le choisir. Et puis ses yeux se posent de nouveau sur ses seins, et elle se rappelle la faiblesse charnelle de l’espèce à laquelle elle devrait appartenir.

Ils se ressemblent tant. Le bébé, sur la plage, est aussi effrayé et seul que l’homme qui coule et ne peut crier. Cet homme difforme et rejeté, c’est aussi l’homme dans la chambre d’à côté, qu’elle n’ose toucher, à qui elle n’ose parler.
Car les motards sont là, elle le sait. Quelque part dehors, ils attendent.

Elle l’aime bien, cet Ecossais. Il lui a prêté sa veste.
Pourtant, elle ne devrait pas avoir froid. Depuis quelques temps, elle commence à ressentir les sensations.
Ou elle le veut assez pour le croire. Elle a bien pensé avoir faim, hier, mais… Mais elle est si différente de ce monde.
« Elle »… elle pourrait tout aussi être « il » d’ailleurs. Seuls ses organes génitaux seraient autres… L’être noir qu’elle est au fond, lui, ne changerait pas.
Elle est bien plus forte que ce qu’ils pensent tous. Elle pourra tout surmonter, même ce qu’elle est.

Car finalement, elle ne craint que le feu.

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Conversation vraie entendue à la sortie (et qui résume parfaitement le film) :
Fille 1 : « Et toi, t’as compris quoi ? »
Fille 2 : « Sur quoi ? »

Pour le reste, enilua a tout dit (d’ailleurs sans le vouloir j’ai mis la même note qu’elle) : http://www.senscritique.com/film/Under_the_Skin/critique/33189146

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le 22 juil. 2014

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Lucie L.

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