Il est assez paradoxal qu’un film portant sur l’échec en constitue un lui-même. Tel est pourtant le cas de The Little Things, dernière réalisation de John Lee Hancock, qui souffre de trois défauts majeurs. Le premier défaut résulte d’un montage saccadé qui casse la fluidité et l’ampleur des mouvements de caméra : la surcharge de plans courts crée un encombrement visuel qui confère un faux rythme au récit. Nous aurions aimé, en lieu et place, une dynamique assumant sa lenteur, traduction à l’écran d’un soin porté auxdits détails et de cette atmosphère crépusculaire qu’incarne fort bien la photographie de John Schwartzman, déjà employé sur les derniers films du réalisateur, à savoir The Highwaymen (2018), The Founder (2016) et Saving Mr Banks (2013).


Le deuxième défaut tient à l’interprétation des acteurs, souvent caricaturale et outrancière : c’est le cas de Rami Malek qui jamais n’apparaît crédible en raison d’un personnage qu’il peine à incarner et dont il échoue à faire un être entier et opaque ; de même, Jared Leto cabotine comme à son habitude, soucieux de devenir une icône avant même de s’affirmer acteur de cinéma. Seul Denzel Washington s’en sort avec les honneurs : son jeu tout en sobriété imprime l’image d’une authenticité véritable, ses silences et ses regards en disent davantage que ses brèves prises de parole. Il constitue le point fort du long métrage.


Le troisième défaut est lié au regard que porte John Lee Hancock sur le thriller et les crimes qui le ponctuent : une forme de complaisance excessive à filmer les corps, à rythmer la découverte d’une femme mutilée avec effets de montage, lumière et musique. Il s’efforce de marcher dans les pas de David Fincher lorsque ce dernier réalisait Se7en, mais ne dispose pas du recul suffisant pour mêler le puzzle policier au scalpel du chirurgien qui ouvre l’humain afin d’en exhiber les failles – « nous ne sommes pas des anges », lit-on en clausule.


Il est malheureux, par conséquent, qu’un long métrage s’attachant à ce point aux « petites choses » pâtisse de défauts aussi grands. Un film manqué, que la partition musicale de Thomas Newman, faite de textures sonores qui enivrent et dérangent tout à la fois, ne parvient à sauver.

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le 31 janv. 2021

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