De l’influence du dommage collatéral sur le comportement des Hommes.

Ça semble un peu anecdotique parfois, Guédiguian, au premier abord. Et là c’est tout le contraire : Il s’agit d’emblée d’ancrer le récit dans le temps, de mettre une famille sous deux générations aux prises avec le génocide arménien. D’abord les années 20, en Allemagne, en noir et blanc, via l’opération Némésis, où l’on suit SoghomonTehlirian (joué par Robinson Stévenin) chargé d’éliminer Talaat Pacha – Le Hitler turc, selon les arméniens. Ensuite à Marseille, les années 70, dans une famille d’origine arménienne, tandis qu’Aram, la vingtaine, souhaite mettre fin au demi-siècle d’inactions de son peuple, en fomentant un attentat contre l’ambassade de Turquie. Pris sous l’angle du document et de l’action pur, le film rappelle Carlos, d’Olivier Assayas. Mais c’est oublier que Guédiguian est un cinéaste choral et utopique. Il va donc utiliser un autre fait réel : Le cycliste gravement blessé lors de l’explosion parisienne, s’inspire du journaliste José Antonio Gurriarán, touché par un attentat à Madrid commis par l’armée secrète arménienne de libération de l’Arménie, en 1981.


 A partir de là le film semble moins investir le terrain du documentaire que celui de la fiction chorale, il est donc plus anecdotique sur le plan historique. Beaucoup moins sur le terrain de l’ouverture d’esprit tant il s’agit de rapprocher – jusqu’à faire se rencontrer – ce qui ne peut se réconcilier : le bourreau et sa victime, l’héritier de la révolte et la victime collatérale, Aram et Gilles (Grégoire Leprince-Ringuet, absolument magistral) puisque tous deux sont épris de fascination, doutes, incompréhensions, regrets l’un pour l’autre. Le mélodrame est dynamité par cette idée lumineuse de pacifisme héroïque via la compréhension du passé de l’autre. Quand on découvre Gilles (qui ne peut plus marcher) au milieu de livres dédiés au génocide arménien, c’est très beau, c’est un petit pas pour lui  mais un grand pour l’humanité, c’est la victoire de la prise de conscience sur la complaisance dans la désinformation, de la pensée sur la haine. Inutile de préciser qu’Arianne Ascaride illumine une fois de plus un film de Guédiguian. Je suis en tout cas ravi de retrouver l’auteur à son meilleur niveau (Celui de L’armée du crime, des Neiges du Kilimandjaro) après sa parenthèse conte ratée. 
JanosValuska
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le 17 déc. 2017

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