Retracer le parcours de la Fraction Armée Rouge allemande, plus connue sous le nom de la bande à Baader, est en soi un projet tout à fait intéressant. Le mouvement de contestation allemand nait en 1966, au moment des manifestations étudiantes, et se radicalise quand la jeunesse s’essouffle, pour rentrer dans la clandestinité et opter pour des actions violentes.


Le sujet est donc fertile : il restitue une époque, un élan collectif, qui explore dans un premier temps les voies artistiques et expérimentales, puis un idéal déchu et la dérive vers le terrorisme intérieur.


Jean-Gabriel Périot fait avant tout un travail d’archiviste : son film est un collage d’images d’actualités de la télévision allemande, sur une décennie environ, de 1966 à 1977 : l’histoire s’impose par une immersion, et le regard que pose le monde journalistique sur son époque, avec étonnement, condescendance ou crainte. Renvoyant les deux discours dos à dos, celui des revendicateurs et celui de l’ordre établi, le documentariste se garde bien de prendre parti.


C’est aussi l’occasion de voir l’émergence d’un nouveau langage télévisuel, aujourd’hui totalement banalisé : les innovations techniques permettent en effet des caméras embarquées et des tournages extérieurs, vers la notion de direct, et d’une mise en scène qui concurrence le cinéma de fiction : la prise d’assaut de la planque des terroriste se présente ainsi comme un morceau de bravoure en terme de reportage télévisé, et induit un rapport nouveau à l’actualité, qui s’impose sans filtre et au fil d’un récit dont on ne maitrise pas la trajectoire.


Reste à traiter tout ce matériau, apparemment difficile à dénicher, puisque les allemands n’ont commencé à réellement archiver leurs images qu’à partir des années 80. Périot propose un bout-à-bout dont la cohérence narrative et historique est indiscutable, mais sans aucun ajout : pas de voix off, pas d’intervention d’historien, pas d’analyse. Aucune pédagogie, en somme, mais une immersion brute qui en laissera plus d’un sur le carreau. Il faut s’accrocher, et accepter de ne pas tout saisir, surtout dans la première partie du film qui retrace des parcours voués à occuper le devant de la scène alors qu’on n’a pas nécessairement en mémoire les figures évoquées.


Choix assumé, mais discutable, ce documentaire semble finalement être davantage une réflexion sur le regard médiatique qu’un film informatif dédié au grand public.

Sergent_Pepper
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le 8 août 2017

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