Cette journée particulière nous met face à deux personnages usés par la vie. Le regard triste, les yeux sont pochés de fatigue, la voix est trainante et l'attitude maladroite. Le spectateur n’en croit pas ses yeux. Sophia Loren, sex-symbol, pulpeuse à souhait, interprète ici la pauvre Antonietta, une mère courage avec 6 enfants dans les pattes et un gros beauf, une camicia nera, pour mari. Marcello Mastroianni, le Marcello de La dolce vita, le plus grand séducteur du cinéma, joue ici le timide Gabriele, calfeutré chez lui après s’être fait virer de la radio à cause de son homosexualité. Ces deux solitaires marginalisés se retrouvent et s’apprivoisent en cette journée de fête où tout le monde est dans la rue pour acclamer le Duce et son homologue germanique, le Führer.


Ces deux grands acteurs sont en fin de carrière en 1977, surtout Sophia Loren qui est has been à cette époque. Avec une douzaine de films en commun, leur complicité crève l’écran. Une journée particulière est un émouvant baroud d’honneur de deux des plus grands acteurs italiens, bourrés de talents et ayant tournés avec les plus grands (Visconti, Fellini, Scola, De Sica, Risi,…).


Le film m’a beaucoup fait penser au Fenêtre sur cour d'Hitchcock. Une journée particulière est aussi un huis clos d’un immeuble entourant une cour et où les résidents se voient par la fenêtre. On y retrouve aussi une forte tension, même si elle est de nature différente, car les sentiments des protagonistes du film d’Ettore Scola sont extrêmement forts.


La voix de Mastroianni donne des frissons. Son rôle possède une profonde humanité. Gabriele fait partie des victimes de ce temps maudit où la haine, la misère et la frustration accumulées ont trouvé leur exutoire dans la différence, qu’elle soit sexuelle, religieuse, ethnique ou politique. Une époque sombre où l’idiot est sur un piédestal et où l’intellectuel est suspect.


Il est difficile de mettre des mots sur ce film si particulier, mais ce qui est sûr c’est qu’il est beau.

Créée

le 4 juin 2015

Critique lue 851 fois

28 j'aime

8 commentaires

Vincent Ruozzi

Écrit par

Critique lue 851 fois

28
8

D'autres avis sur Une journée particulière

Une journée particulière
Fosca
9

Les Ailes du Désir

Du granit de la cour jusque dans les hauteurs mitoyennes, traversant rideaux et fenêtres, résonne les champs et discours du parti : "fascisme, fascisme...", ils n'ont que ce mot à la bouche. Depuis...

le 26 janv. 2016

50 j'aime

9

Une journée particulière
Docteur_Jivago
8

Sous le signe du fascisme

Rome, 8 mai 1938 : Mussolini et Hitler se rencontrent. Presque tous les romains ont déserté leurs habitations pour pouvoir assister à la cérémonie, sauf dans un grand immeuble où Antonietta, mère...

le 16 sept. 2015

45 j'aime

15

Une journée particulière
SanFelice
9

"on se soumet toujours à la mentalité des autres"

Oh oui ! C'est vraiment une journée particulière. Une journée essentielle dans l'existence de l'Axe Rome-Berlin. Le Führer en visite chez son ami Mussolini, ça se fête. Et, en effet, on déploie...

le 18 janv. 2017

32 j'aime

Du même critique

Whiplash
Vincent-Ruozzi
10

«Je vous promets du sang, de la sueur et des larmes»

Whiplash est un grand film. Il est, selon moi, le meilleur de l’année 2014. Une excellente histoire alliant le cinéma et la musique. Celle-ci ne se résume pas à une bande son, mais prend ici la place...

le 20 janv. 2015

190 j'aime

11

Mad Max - Fury Road
Vincent-Ruozzi
9

Sur les routes de Valhalla

Je viens de vivre un grand moment. Je ne sais pas si c’est un grand moment de cinéma, mais ce fût intense. Mad Max: Fury Road m’en a mis plein la gueule. Deux heures d’explosions, de fusillades et de...

le 16 mai 2015

182 j'aime

21

The Irishman
Vincent-Ruozzi
8

Le crépuscule des Dieux

Lèvres pincées, cheveux gominés, yeux plissés et rieurs, main plongée dans sa veste et crispée sur la crosse d'un revolver, Robert De Niro est dans mon salon, prêt à en découdre une nouvelle fois. Il...

le 29 nov. 2019

152 j'aime

10