Réalisé par George Stevens et sorti en 1951, le film nous présente une sorte de triangle amoureux mais enserré dans les conventions sociales de l'époque. Le neveu d'un riche industriel, George Eastman, commence à travailler dans l'usine de son oncle mais au bas de l'échelle. Là, il y fait la rencontre d'une collègue, Alice, avec qui il couche un soir et entame un semblant de relation. Dans un même temps, il tombe amoureux d'une jeune femme de la haute société, Angela Vickers, qui lui ouvrirait en plus bien des portes. Problème : Alice tombe enceinte.
Alors bien-sûr aujourd'hui, on pourrait faire de ce synopsis une comédie de mœurs mais n'oublions pas que nous sommes dans les années 50 et de plus américaines, période alors encore très conservatrice. Mais c'est justement cette période qui est intéressante et plus largement celle encore sous le joug du code Hays puisque les réalisateurs redoublent alors d'efforts pour faire passer des messages aux spectateurs avec des sous-textes. C'est ainsi que l'on a pu avoir bon nombre de représentation d'amitiés qui étaient en réalité homosexuelles ou alors tout un film sur une homosexualité latente, comme "La chatte sur toit brûlant" ou encore "Soudain l'été dernier" par exemple pour reprendre des films avec Elizabeth Taylor, l'alliée des gays dans l'industrie des années 50 et 60 d'ailleurs.
Bref, pour en revenir au film, on est du coup loin du triangle amoureux gentillet puisque ce coup d'un soir se transforme en véritable fardeau, à la fois représenté par Alice, un peu potiche quand même, mais surtout de par une société presque liberticide qui enferme dans des carcans de bienséance. Ainsi, pour garder le bébé, Alice doit se marier puisqu'elle ne peut pas avorter. Si elle arrive plus ou moins à se bercer d'illusions (parce-que même si elle aime George, elle n'avait pas forcément envie tout de suite de construire une vie de famille bien proprette) lui est beaucoup plus lucide et ne voit qu'un avenir rempli de non-dits, de compromis mais surtout de sacrifices qui ne mèneraient qu'à un naufrage. Du coup, une question de taille se pose : tuer, affronter la société en assumant sa lâcheté (perçu comme telle pour l'époque encore une fois) ou vivre une vie de sacrifices ?
En arriver à des envies de meurtre pour échapper à la société présente cette dernière comme étant profondément malade, d'autant plus que, dans tous les cas, il n'y aura pas d'échappatoire. Ainsi, le réalisateur critique ici non seulement cette société beaucoup trop rigide mais également la loi anti-avortement
et puis ensuite la peine de mort,
ce qui en fait un film, encore une fois, très fort pour l'époque.
En plus de ça, on pourra également noter une mise en scène particulièrement soignée qui joue beaucoup sur les ombres et la lumière (la scène dans la voiture en sortant de chez le médecin où on n'arrive à peine à distinguer les personnages ou lorsque la petite amie annonce qu'elle enceinte dans un plan fixe centré sur George sont pleines de sens) ou sur les échelles de plans (la radio qui prend beaucoup de place sur le ponton avec le bateau rempli de jeunes insouciants au second).
Évidemment, le casting est formidable, on retrouve un excellent duo avec Elizabeth Taylor et Montgomery Clift au charisme impeccable et puis Shelley Winters au jeu tout en nuances.
"Une place au soleil" est donc un très bon film, autant sur le plan narratif que visuel.