Une vie simple
7.4
Une vie simple

Film de Ann Hui (2011)

L’année dernière, on avait eu le droit à Amour de Michael Haneke. Avec ce film, nous avons une nouvelle fois un duo de protagonistes, et le personnage principal féminin qui est en fin de vie. La grande première différence, c’est qu’il ne s’agit plus d’un couple d’octogénaire. L’amour se situe entre un jeune producteur et la femme qui a servi sa famille durant soixante ans. Elle est devenue pour lui comme une nourrice-mère de substitution. Une fois, elle est restée auprès de lui et s’est occupée de lui, quand il était gravement malade. Désormais, les rôles sont inversés, et le jeune homme va s’occuper de la femme qui s’occupait de lui autrefois.

Là où ce film se démarque de celui de Michael Haneke, c’est qu’il ne s’agit pas de montrer avec neutralité. Il ne s’agit pas de faire une démonstration de la condition humaine. Comme le fait Eat Sleep Die de Gabriela Pichler (Suède, Juin 2013), Ann Hui prend un sujet dramatique et part d’un côté décomplexé. Parler d’un sujet dramatique en coloriant la mélancolie par de la tendresse instantanée. Tandis que Michael Haneke filmait le drame pour montrer l’amour. Ici, Ann Hui filme l’amour pour soigner le drame.

A quelques exceptions près, chaque scène contient cet effet de tendresse. On rigole, on retrouve son chat, on danse, on téléphone aux proches, etc… Et à l’image de l’écharpe et des pantoufles comme cadeaux, ce film a un petit message bien sympathique. Savoir apprécier et profiter des petites choses. Car, qui sait ce qui peut nous arriver ? C’est là que le drame devient plus accessible que dans Amour de Michael Haneke. La joie et le bonheur remplissent le film du début à la fin. Filmer la vie au moment même où elle s’en va.

Et avec toute cette tendresse instatanée, le film fait preuve de générosité et de naïveté. Que ce soit dans la forme ou dans le fond (les personnages). Dans la forme, on remarquera (par exemple) que, dans le centre de repos, les murs entre chaque chambre ne vont pas jusqu’au plafond. Une des façons du film de lier toutes ces personnages ensemble. Ne pas les séparer, comme une sorte de communion des corps, alors que certains se meurent petit à petit. La naïveté vient, par exemple, dans l’amour que tous les personnages ont entre eux.
C’est de là que Ann Hui tire la puissance de son film. Les personnages s’aiment entre eux, la maternité de la nounou y est pour beaucoup. De plus, on voit qu’elle aime ses personnages. Qu’elle veut nous montrer des étincelles de vie avant la fin. Mais surtout, il y a ce côté ordinaire chez ces personnages. Cela nous permet de voir le film et le sujet du film avec simplicité et légéreté. A noter notamment l’interprétation incroyable et toute en finesse de l’actrice principale Deanie Ip. Surprenante en fausse cousine de Emmanuelle Riva.

Ce qu’on pourra retenir de la réalisation, c’est cette façon de Ann Hui de rester constamment aux côtés de ses personnages. Que ce soit au travail, entre amis ou avec le duo de protagonistes, Ann Hui fait en sorte que le spectateur soit dans l’histoire. Issue de l’âge d’or du cinéma hong-kongais, Ann Hui continue son travail stylistique. Filmer le réel, filmer dans l’instant, créer la poésie du mouvement dans la vie, etc… Un mélodrame pas comme les autres, un mélodrame touchant et bouleversant à la fois.

Il paraît difficile de parler de mélodrame à proprement parler. Car, que ce soit dans le fond ou la forme, le film fait preuve d’une palette grise fascinante. Au-delà des couleurs de la vie, au-delà des étincelles lumineuses à l’intérieur des personnages, il y a cette nuance grise qui s’échappe du sujet. Un mélodrame joyeux, certes, mais un mélodrame plus gris qu’on pourrait le voir et le penser. Et tout ceci jusqu’au final, un déchirement total. Un final qui arrive encore à créer l’amour quand c’est fini.

Finalement, Une Vie Simple est un film touchant et bouleversant. Faux remake de Amour de Michael Haneke, Deanie Ip interprète une passionnante fausse cousine de Emmanuelle Riva. Une nounou a servi la famille pendant soixante ans, et dont les rôles qui s’inversent. Mais l’amour est toujours là, la générosité et la naïveté intégrés. Difficile de parler de mélodrame, tant la nuance grise fait entièrement partie du film. Apprécier les petites choses de la vie et rester aux côtés des autres, ceci afin de colorier le drame par la tendresse.

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Auteur : Teddy
LeBlogDuCinéma
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le 7 juin 2013

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