On l’a souvent qualifié à tort de novateur pour son intrigue sur un écran d’ordinateur, mais Unfriended n’était pourtant pas le premier à utiliser cet outil souvent réduit à son plus simple argument utilitaire. Megan is Missing réalisé en 2007avait déjà employé ce concept dans le cadre d’un faux documentaire qui alternait avec le Found Footage. Puis il y a eu un segment de VHS et enfin The Den qui reprenait les thématiques de cyber harcèlement par le biais de ces tchat de discutions en ligne type Coco. Il convient néanmoins de reconnaître que le film de Levan Gabriadze était effectivement le premier à en exploiter le procédé à fond, ou du moins jusqu’à un ultime jump-scare qui finissait par tordre la diégèse induite par son dispositif. La contamination du réseau par un spectre vengeur un peu à la manière d’un virus ou d’un malware n’était pas totalement dénué d’intérêt mais souffrait globalement d’éléments trop superflues et d’artifices communs, d’autant plus que l’idée tenait surtout à sa plus simple portée commercial. Les sonneries et notifications associé au système d’exploitation devenaient alors un leitmotiv récurrent qui faisait frémir de peur les adolescents les plus impressionnables, d’autant que les fenêtres de conversation permettaient également de restituer un semblant de claustrophobie par leur cloisonnement artificiel. Le succès du film aura en tout cas permis d’ouvrir la voie à un nouveau sous genre qui n’a de limite que sa propre interface et permet autant de nouvelles manière d’explorer et de communiquer que d’intrigues et espaces virtuels à développer, ce qui ne demande finalement qu’à être mieux exploité par une réflexion un peu plus poussée.


Unfriended Dark Web semble avoir déjà mieux réfléchie son concept et permet de revitaliser un peu le Screen Reality (ou Screen live, ou film interface) en évinçant l’idée du paranormal pour traiter d’une « entité » plus malveillante encore qui s’épanouit dans la face cachée d’internet, ce que l’on appelle plus communément le Dark Web. Un endroit dont l’accès n’est connu que par les initiées et qui sert souvent de plateforme pour le trafic d’armes, des cartes de crédits volés, mais aussi des contenues sensible et offensant type pédopornographie, torture porn et snuff movie. Si ce commerce interlope tient plus du fantasme que de la réalité puisque ces petites annonces sont surtout susceptible de vous rediriger vers une arnaque, cela a néanmoins permis de développer une véritable légende urbaine autour de ce réseau alternatif. Stephen Susco établit donc une intrigue simple en lien étroit et direct avec ce réseau suite au vol d’un ordinateur comportant un dossier caché que son véritable propriétaire va vouloir récupérer à tout prix, de gré ou bien de force. L’une des meilleures idées du long-métrage consistera d’ailleurs à pénétrer cet univers par le biais d’une application «The River» qui permet de remonter un fleuve numérique où les utilisateurs portent le nom de Charon, soit le passeur du Styx qui amène les âmes vers le monde des morts. Il s’agit autant de susciter un effet angoissant que d’amener une vision prophétique sur ce qui attend les personnages qui seront décimés les uns après les autres en temps réel sur l’écran par une organisation tentaculaire qui possède de nombreux disciples et émissaires à travers le monde.


Au-delà de sa mécanique de prédation Unfriended Dark Web tient surtout à démontrer que le médium agit souvent en révélateur face aux vices de ses utilisateurs. Posséder l’information revient dès lors à posséder la vie d’autrui et à jouer les maîtres chanteurs ou les démiurges puisque l’on peut la manipuler à ses dépends pour se marrer et même refaçonner la « réalité » virtuelle qui trouvera ensuite une résonance directe dans le monde réel avec les conséquences induites. Des photos et vidéos peuvent par exemple constituer des preuves compromettantes pour monter une fausse réputation de toute pièce, et faire passer une personne bien sous tous rapports pour quelqu’un de radicalisé et dangereux. D’une part le film aborde donc la peur commune de l’usurpation d’identité, dont le héros se rendra d’abord coupable en se connectant au profil du propriétaire de l’ordinateur, ce qui lui permettra de jouir de ses fichiers, de son compte facebook ou bien de transférer sa fortune en un simple virement, et ce avant qu’il ne devienne à son tour la victime d’un vaste complot qui le désignera comme le bouc émissaire idéal à une longue série de disparition. D’autre part, il y a aussi la hantise de l’effacement numérique ce qui signifierait indirectement la mort sociale, la perte de ses données et de ses souvenirs emmagasinés dans la machine dont le médium finit par nous définir en tant que personne grâce à nos recherches associés et l’utilisation que nous en faisons surtout quand celle-ci est pervertit par de mauvaises intentions. Si l’effet est parfois un peu gros et que l’intrigue s’avère trop riche en rebondissement, cela permet aussi de montrer qu’une adresse IP ne permet jamais de conserver son anonymat et que l’internet peut aussi servir d’arme digitale tout aussi meurtrière que les méthodes brutales et expéditives montrés dans le film. Mais amener quelqu’un dans un guet-apens aura toujours plus d’effet que de le pousser au suicide après s’être emparé de sa propriété intellectuel et de son argent surtout pour les clients en quête de sensationnalisme.

Le-Roy-du-Bis
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le 4 déc. 2023

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Le Roy du Bis

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