"Oh bah tiens, encore une adaptation de jeu-vidéo en film dans un but purement artistique ! Oh mais oui quelle bonne idée, c'est sûr que ça va marcher ! On va pas prendre les gens pour des cons cette fois ! Ah non mais vraiment, c'est la recette du succès !"
Blague à part, je n'ai pas joué au jeu. J'ai un peu la flemme de mettre 300 balles dans une console aujourd'hui dépassée puis 50 balles dans un jeu, sachant que ladite console servira qu'à faire tourner cet unique jeu sus-mentionné dont internet a tellement parlé qu'on en connait les moindres secrets. Il est donc ici exclu que je fasse des comparaisons avec l'œuvre originale, d'autant plus que, au risque de me répéter, le boulot d'un film est d'adapter une œuvre, pas de la retranscrire à la virgule près (et sur un jeu qui doit bien faire une dizaine d'heures, tu vois où je veux en venir) et que s'il faut avoir assimilé le matériau original pour comprendre l'adapté, ça n'a alors aucun intérêt (n'est-ce pas ?).
Toutefois, je retiendrai un point important pour la suite : Until Dawn est un jeu narratif qui offre (que dis-je, impose) au joueur des choix, et c'est alors à lui de dérouler l'histoire et d'en assumer les conséquences. Le principe du jeu à choix, c'est très bien, c'est même excellent, mais c'est quand même un peu compliqué à adapter en film grand public. Sachant que ce système de choix fait l'essence primale du jeu, on perd donc ladite essence dans son adaptation, ce qui pourrait légèrement contrarier les fans du jeu qui sont, je pense pas dire d'âneries en affirmant ça, sont la cible principale d'une adaptation.
Mais c'est pas grave ! Adaptation, disais-je ! Peu importe la largeur du lien entre l'original et le nouveau, du moment que ce dernier, non content de se suffire à lui-même, nous offre un bon spectacle ! N'est-ce pas ?
Oui, c'est vrai.
Non, ce n'est pas le cas.
Dès la scène d'ouverture, on sent que le film est daté : on y voit une jeune fille qui tente d'échapper à une bestiole dans l'ombre, pour finalement se faire rattraper par un tueur masqué et assassiner à coup de pioche. Schéma qu'on a déjà vu dans beaucoup trop de films et qui annonce que le film n'avait déjà pas d'idée pour commencer, et n'en aura sûrement pas non plus pour continuer.
Ensuite donc, on retrouve nos cinq protagonistes très clichés (je résume : miss déprimée-problèmes-de-famille (c'est l'élément déclencheur et c'est tout), mister simp (ça ne sert à rien), miss occultiste (une scène et c'est tout), miss feu au cul (ça ne sert à rien) et mister BG mais connard en fac de psycho (pareil)) qui recherchent la sœur d'une entre eux, rencontrent un type pas net qui parle de manière pas nette, puis arrivent à une baraque encerclée par un rideau de pluie, baraque où ils trouvent des affiches de gens disparus (dont la sœur) et un sablier géant sur le mur. Puis soudainement, alors que la nuit tombe, ils se font tous avoir un par un par le tueur masqué du début, avant de bondir en arrière dans le temps juste au moment où le crépuscule s'achève, piégés dans une boucle temporelle avec un type qui veut leur peau (première fois que je vois ça dis donc). Là je suppose que c'est pour retranscrire le coup du choix dans l'œuvre originale, et ça part effectivement d'un bon sentiment, mais
quand il y a un phénomène pareil, tu l'expliques dans ton histoire, tout au plus tu glisses un mot dessus, tu éludes pas ta question par des répliques du style "c'est comme dans les films" (sic) et tu laisses pas ton spectateur perplexe à la fin de ton métrage.
Donc, la nuit se poursuit et nos protagonistes se rendent compte qu'à chaque fois qu'ils reviennent au début de la boucle, ils changent graduellement d'apparence pour devenir un peu plus bestiaux, tandis que d'autres bestioles et le type louche du début les traquent pour s'amuser avec eux.
Donc on a là un slasher tellement classique que c'est même plus divertissant, qui n'a même pas un côté nanar et qui en plus n'arrive pas à installer correctement son ambiance et est obligé d'avoir recours à des screamers pour essayer de faire peur (ça marche pas) et quelques blagues pour essayer d'être drôle (ça marche pas non plus).
Et surtout, surtout, absolument rien n'est expliqué à la fin. On comprend vaguement qu'il y a eu dans le coin une mine effondrée, ce qui a englouti un village, et ensuite le type bizarre du début en fait c'est un psychiatre qui garde les survivants du sinistre enfermés parce qu'ils se changent en bestioles (en wendigos, attention), par conséquent il récupère les gens qui passent dans le coin pour les piéger dans des boucles temporelles et... Et ? Du coup, quelles sont les motivations de cet antagoniste? Pourquoi est-ce qu'il retient ces gens prisonniers ? Pourquoi il y a une boucle temporelle ? Pourquoi l'eau des lieux fait exploser les gens qui la boivent ? (véridique) D'où vient la malédiction des wendigos ? C'était quoi cette chose énorme sous la pluie à 41:36 ? C'est qui cette vieille sorcière avec son respirateur ? C'est qui ce tueur masqué qui apparait cinq pauvres minutes et ne sert à rien ? Pourquoi les personnages acceptent très facilement le fait que tout ce que je viens de citer existe ? C'était pas censé être un film fantastique ?
Petit mot sur les wendigos quand même, grand amateur de monstres que je suis : le wendigo trouve son origine en Amérique du nord et fait partie du folklore amérindien. C'est un esprit maléfique qui s'empare des hommes et les pousse au cannibalisme en même temps qu'il les change en bête (habituellement, une sorte de cerf-garou géant au cœur de glace), faisant de lui une allégorie de l'anthropophagisme. Dans ce film, point de cerf-garou ou de métaphore, juste des types bizarrement maquillés et un comportement de zombie. Qu'on soit bien d'accord : la libre interprétation, c'est très bien, mais appeler tes créatures "wendigo" alors qu'elles sont maquillées comme des zombies, qu'elles bougent comme des zombies et qu'elles sont connes comme des zombies, c'est pas de la libre interprétation, c'est de la contrefaçon.
Dernier petit mot sur l'antagoniste, qui perd comme une grosse merde dans la scène classique du "j'ai gagné donc laisse-moi t'exposer mon plan en te tournant le dos histoire que tu puisses mettre de l'eau explosive dans mon café parce que ça tombe bien y'a une fuite d'eau dans mon bureau que j'ai pas réparé même si je connais les risques." Et le méchant de mourir et les protagonistes d'être sauvés de la boucle temporelle parce qu'il fallait que quelqu'un meure pour qu'ils puissent s'en sortir. Voilà voilà.
Autant donc vous dire que je me suis fait mortellement chier devant ça (comme si le titre français avait un message à faire passer), et les seules choses qui m'ont maintenu éveillé c'étaient Peter Stormare (ça fait toujours plaisir de le voir, même si son rôle était pourri) et les magnifiques yeux d'Odessa A'zion (oui bah quand y'a rien à garder, l'instinct reptilien prend le dessus pour s'accrocher à la moindre once de positif).
En tout cas, ça me donne pas envie de jouer au jeu.
Et quand je pense que des séries live A Plague Tale et Life is Strange ont été annoncées et qu'un film Clair Obscur est envisagé...