On avait fini par l’enterrer dans un coin de notre mémoire suite à la purge de son troisième opus qui se voulait « viral » mais ne témoignait surtout que de l’état d’un genre alors en pleine déconfiture. V/H/S/94 revient pourtant d’entre les morts grâce à la nouvelle vague du found footage qui fait désormais le bonheur des plateformes de VOD spécialisés dans l’horreur (Shadowz, Shudder). Ses prédécesseurs souffraient globalement d'un vrai manque d'homogénéité, un syndrome de déficience auto-immune malheureusement commun à toutes les anthologies quelle que soit leur catégorie. En cause, la démarche anthropophage de la démarche puisque le concept même de film à sketch tend à pousser à la compétition de ses réalisateurs qui pour certains souffriront forcément de la comparaison. Et si les promesses de campagne marketing n’engagent que ceux qui y croient, V/H/S/2 était néanmoins parvenu à en tenir une bonne moitié. Ne manquait plus qu’une nouvelle itération qui avec le recule inhérent à cet épiphénomène reviendrait plus fort ou du moins plus équilibré. Enfin ! Serons-nous donc tentaient de dire. Le scénario est d’ailleurs écrit par David Bruckner à qui l’on devait le meilleur segment de V/H/S premier du nom. Une garantie si l’en est, appuyé par la présence de Simon Barret en vétéran ainsi que Timo Tjahjanto co-responsable pour sa part de la meilleure histoire de toute cette saga. Un héritage qu’ils partageront cette fois avec des petits nouveaux désireux de se faire un nom : Ryan Prows (Lowlife), Chloe Okuno (Watcher) ainsi que Jennier Reeder (Knives and Skin). Les afficionados ne seront pas surpris de retrouver les glitchs et parasitage intrusif renforçant l’aspect cassette vidéo qui est clairement revendiqué comme étant une forme d’hommage appuyé aux années 90, ce qui coïncide avec la mise à disposition des premiers caméscopes numérique sur le marché grand public. Par ailleurs, chaque histoire véhicule des thématiques en accord avec les préoccupations et films de cette décennie.


On ne change néanmoins pas de recette, la trame principale est un peu moins superficielle que par le passé même si elle sent encore le réchauffé. Il s’agit encore une fois de parcourir une maison délabrée rempli de monticules de cassettes, de cadavres mutilés et de piles de télévision entassés les unes sur les autres. On a remplacé les voyous et les enquêteurs par une équipe du SWAT surarmés cherchant à démanteler un réseau criminel qui vouent un culte aux K7 et vidéos pirates que l’on retrouve sur les sites interpasnet. Chaque film visionnée rend donc son spectateur un peu plus accroc pour ne pas dire carrément lobotomisé comme les ados devant leurs conneries de télé-réalité ou de Tik Tok. Une manière d’introduire les différents segments avec une mécanique de prédation déjà moins ennuyeuse que par le passé. Storm Drain ouvre le bal avec un reportage sensationnaliste mené par une journaliste arriviste et son caméraman qui iront jusqu’à s’aventurer dans un collecteur d’eaux pluviales afin de lever le voile sur une légende urbaine locale. L’occasion de dresser un portrait cynique des médias prêt à tout pour faire le buzz médiatique. Ils vont évidemment tomber sur le scoop du siècle dernier même s’ils ne resteront pas vivant assez longtemps pour pouvoir en témoigner, puisque ces égouts sont fréquentés par des zoophiles vénérant une créature naît d’une union contre nature entre l’homme et le rat. Cette exploration souterraine constitue une sympathique descente aux enfers partagés entre la peur du noir et des espaces confinées avant de culminer par la découverte d’une abomination lovecraftienne.


Après une rapide coupure publicitaire ventant les qualités nutritives d’une dameuse à légume, on passe à l’épouvante d’une veillée funèbre. Simon Barret en profite pour réaliser l’un de nos pires cauchemars, celui de voir le corps accidenté d’un défunt se réveiller de son cercueil. Un segment qui joue habilement de ressort éculés du cinéma d’horreur pour faire monter la tension. Un environnement inquiétant, des bruits étranges, des coupures d’électricité provoquées par une violence tempête à l’extérieur avant que la jeune employé ne se retrouve confronté à des événements surnaturelles qui vont faire vaciller ses derniers fils de rationalité. Tout ne vise évidemment qu’à renforcer l’angoisse de la situation qui va basculer dans l’effroi lorsque le cadavre va se réveiller et se mettre à la rechercher dans une partie de cache-cache terrifiante. On passe ensuite au plat de résistance avec ce revival cyberpunk du mythe de Frankenstein. Le point de vue est celui d’une victime charcuté sur une table d’opération qui va assister aux délires d’un savant fou cherchant à créer une armée de cyborg. L’armée va intervenir et se retrouver confronter à ces monstres de chair et d’acier. Le réalisateur en profite pour orchestrer des mises à mort aussi violente que graphique à grand renfort de rafales dans le corps, de démembrement, et d’explosions dans un carnage récréatif et sanglant. Une fois encore, Tjahjanto répond présent avec cette horreur crasse et organique évoquant les grandes heures du cinéma de Tsukamoto. Le dernier chapitre s’avère être le moins convaincant du lot avec sa métaphore politique sur fond d’invasion vampirique et de monde post-apocalyptique. On y suit les chroniques d’un groupe de suprématistes blanc qui cherchent à renverser le gouvernement en utilisant un otage pour faire exploser un bâtiment. Evidemment, leur arme secrète finira par se retourner contre eux. Dispensable bien que divertissant d’autant que son réalisateur aura au moins eu le mérite d’employer un véritable caméscope de l’époque pour tourner son segment. S’il ne révolutionne pas son approche et encore moins ses dispositifs de mise en scène, V/H/S/94 peut au moins se targuer de ne souffrir d’aucune fausse note et de relever enfin le niveau d’une saga qui était tombé bien bas. Une anthologie qui tend à prouver que le Found Footage a encore de beaux restes...

Le-Roy-du-Bis
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le 17 avr. 2024

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Le Roy du Bis

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