J'attendais beaucoup, peut-être trop de ce premier film estampillé Puy du Fou, qui avait tout, selon moi, pour être le Braveheart français. Et même si je ne pouvais cacher une certaine circonspection à la vue des noms des deux charlots bombardés aux commandes du projet et des premières images peu engageantes du teaser, je voulais y croire, croire en la résurrection d'un genre cinématographique depuis trop longtemps délaissé par la production hexagonale qui lui a pourtant donné quelques-uns de ses plus beaux représentants avec notamment le Napoléon d'Abel Gance.

L'espoir était donc là, il s'est battu jusqu'au bout, avec vaillance, mais n'a malheureusement pas résisté au colossal foutage de gueule que constitue l'entrée en matière de Vaincre ou mourir. Le film s'ouvre donc, non pas sur des images du film comme on serait légitimement en droit de le penser, mais sur différentes interviews d'historiens. Leur rôle : remplacer la scène d'exposition, habituellement censée faire partie intégrante du récit filmique, en nous expliquant brièvement les origines des révoltes vendéennes. Le film n'a même pas commencé depuis trois minutes que j'ai déjà un énorme problème : le film est fainéant. Et si je conçois tout à fait que l'exposition n'est pas forcément la partie la plus excitante à mettre en scène pour un réalisateur, il n'empêche qu'elle revêt une importance capitale (en particulier dans ce genre de films). En effet, c'est dans cette partie que le réalisateur est censé présenter le contexte historique, les personnages, leur background, les liens qui unissent les différents personnages, les enjeux du récit etc. C'est ce travail d'exposition qui va permettre au spectateur de se sentir proche des personnages et par corollaire de s'impliquer dans le récit. Ici, les deux réalisateurs se débarrassent dès le début de ce travail d'exposition en se cachant derrière des interviews d'historiens, procédé malin qui permet par la même occasion de légitimer une vision des guerres de Vendée très largement mise à mal par les dogmes actuels.

Le film se poursuit, nous dévoilant son gadget ultime pour pallier à la colossale fainéantise des réalisateurs et du scénariste : la voix off. Car je ne l'ais pas préciser, mais l'histoire nous est contée par Charette lui-même. Je tiens à préciser que je ne fait pas partie des gens qui vomissent littéralement les voix off, au contraire, quand elles sont correctement gérées, comme chez Scorsese pour prendre l'exemple le plus évident, je n'est absolument rien à redire, le problème c'est que ce n'est pas vraiment le cas ici où l'utilisation de la voix off est faite en dépit du bon sens, cette dernière devenant vite envahissante, à tel point qu'elle finit par raconter platement et didactiquement les événements clés du récit que les réalisateurs refusent à l'image, soit l'exact antithèse du cinéma censé montrer plutôt que dire (Show don't tell). Cette utilisation déplorable de la voix off, en plus de nous offrir des plages de plusieurs minutes sans que rien de concret ne se passe à l'écran, ne favorise en rien la caractérisation et le développement de personnages qui tentent vainement d'exister dans un film qui ne leurs laisse paradoxalement pas beaucoup de place.

Le film nous offre en effet un nombre relativement conséquent de personnages tous plus oubliables et creux les uns que les autres, quasi aucune caractérisation, aucun développement, l'intégralité des personnages, Charette compris, donnent l'impression de suffoquer dans ce cadre qui ne leur laisse jamais la place d'exister. Le plus dommageable demeure tout de même le traitement du personnage de Charette : la scène censée l'introduire va beaucoup trop vite pour que l'on puisse y croire une seule seconde, Charette passant littéralement en un cut du personnage négligeant la capacité du peuple vendéen à vaincre les armées de la Révolution, au héros national prenant son rôle de chef à bras le corps. Caractérisation quasi inexistante (hormis la présence d'un enfant sur laquelle je ne m'attarderais afin de ne rien spoiler, sachez seulement que le traitement de cet arc narratif est tout aussi bâclé que le reste du film), aucun développement, Charette n'est rien moins qu'un personnage fonction, il est le héros de l'histoire, il ne semble jamais exister au-delà de ce qu'exige le scénario. Si Charette n'existe pas dans son propre film, inutile de préciser que ce dernier ne comporte pas non plus d'antagoniste fort. Le film tente tant bien que mal de nous faire croire à la menace représentée par le personnage de Travot sans jamais y parvenir, le personnage ne disposant jamais du temps nécessaire pour exister réellement.

Passons au visuel. Je serais bref : le film n'est pas beau. Tout, de la photographie au filmage en caméra à l'épaule, en passant par le nombre ridicule de figurants et le cadre extrêmement restreint de l'image, fait davantage penser à un téléfilm M6 qu'à un film de cinéma.

Le film pèche également par un cruel manque d’ampleur visuelle, les plans sont constamment resserrés sur les personnages (paradoxal pour un film qui les délaissent avec autant d'insistance), le film n'offre aucun véritable plan large, ce qui n'aide pas, il faut bien le dire, à prendre au sérieux cette épopée vendéenne. La mise en scène des combats est à l'avenant, absolument rien de va. L'unique bataille ainsi que les quelques escarmouches que le duo daigne nous montrer brillent par leur déplorable mise en scène de l'action : surdécoupage, utilisation excessive de la caméra portée, succession de plans sans queue ni tête rendent les scènes en question totalement illisibles et l'expérience fort désagréable.

Ainsi, j'ai voulu y croire, mais la vérité s'est imposée à moi avec cruauté : Vaincre ou mourir est au mieux un très mauvais film, au pire un navet qui se voudrait épique, spectaculaire, qui se rêve en Braveheart ou en The Patriot à la française mais qui, de toute évidence, n'y parvient pas. Mise en scène, photographie et développement de personnages digne d'un téléfilm de Noël sur M6, exposition inexistante, batailles consternante d'amateurisme, voix off envahissante relevant davantage du commentaire audio que du film de cinéma et empêchant littéralement tout développement de personnages, écriture fainéante (scénario et personnages), acteurs oscillants entre le plutôt bon et le très mauvais (je sauve Hugo Becker qui se démène comme un beau diable avec ce qu'il a, c'est-à-dire pas grand chose), bref, tout concours à faire de ce film un échec et une immense déception. La seule scène à peu près bien montée et filmée reste à mes yeux le très attendu discours de Charette à ses hommes avant la bataille, et pour cause, les deux réalisateurs repompant allègrement la scène culte de Braveheart, avec tout de même immensément moins de réussite. Certains pourront se consoler en clamant haut et fort la justesse historique du film, et je ne saurais leur donner tort. Mais voilà, nous sommes au cinéma et non pas sur Arte ou dans un livre d'Histoire, pourtant moi-même passionné d'Histoire, je me fou comme de mon dernier mouchoir de la véracité historique d'un film, je m'en moque d'ailleurs d'autant plus si le film, comme c'est le cas ici, s'avère absolument indéfendable sur le plan cinématographique. Si un film est bon, le vernis de la véracité historique est un bonus notable, si le film est mauvais, le plus beau des vernis ne suffira pas à le sauver.

Y a-t-il réellement de la fainéantise dans cette première production Puy du Fou films ? Peut-être. Cela dit je suis parfaitement conscient que la raison première des nombreux problèmes du film, hormis le talent manifestement limité de ses auteurs, se situe davantage du côté du budget. En effet, quand Braveheart bénéficiait d'un budget de 53 millions de dollars et 110 millions pour The Patriot, Vaincre ou Mourir ne pouvait quant à lui compter que sur le chiffre fort limité de 3,5 millions d'euros. Avec une telle limite budgétaire, je conçois tout à fait la difficulté de monter un film de la sorte. Mais voilà, sachant cela, était-il bien sage se lancer dans un projet si ambitieux ? Etant donné la réputation internationale du Puy du Fou, les responsables de ce dernier ne pouvaient-ils allouer davantage de financements au long-métrage ?

Quoi qu'il en soit je ne saurais trop conseiller aux fans de cinéma, de fresques historiques épiques et d'émotion de passer leur chemin et de se replonger dans les vraies réussites du genre que sont Braveheart, The Patriot, ou encore le titanesque Napoléon d'Abel Gance (en attendant le prochain étron de Ridley Scott).

Antonin-L
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le 15 févr. 2023

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