Vice-versa
7.5
Vice-versa

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Ronnie del Carmen (2015)

Après une pause de plusieurs années dans les histoires originales et un enchainement de sorties de suites ("Toy Story 3", "Cars 2", etc), Pixar revient avec une nouvelle histoire, "Vice versa" (2015), troisième film réalisé par Pete Docter, après les magnifiques et grandement acclamés "Monstres et compagnie" (2001) et "La haut" (2009), avec Ronnie Del Carmen en coréalisateur.


Riley a 11 ans, une vie heureuse avec sa famille et ses amis, mais elle déménage à San Francisco. Nouveau lieu, nouvelle vie, dans une période particulière qu'est l'adolescence (ou du moins la jeune adolescence). Alors qu'on suit ses aventures, et qu'on voit ce qu'elle ressent, on nous propose également d'entrer directement... dans sa tête, là où les choses se bousculent, ses principales émotions (la joie, la tristesse, la colère, la peur et le dégout) la guidant sans relâche. Mais lorsque la joie disparait, il est difficile de trouver du positif dans sa vie... On suit donc un aller-retour permanent entre ce qui se passe dans la tête de Riley et dans sa vie quotidienne, pour un mélange merveilleux, nous entrainant dans un fabuleux voyage...


Pete Docter réalise un film extraordinaire, d'une intelligence exceptionnelle. Ce film est d'une maturité formidable, exemplaire, et explique à lui tout seul pourquoi Pixar est LE studio de l'animation. Faire un film sur un sujet aussi complexe que le cerveau humain n'est pas aisé, mais réussir en plus à le rendre accessible à tout le monde, adultes comme enfants, c'est tout simplement fantastique et génial. Car oui, un enfant de 5 ans pourra voir ce film, mais bien sur, il le comprendra différemment qu'un enfant de 10 ans, qu'un adolescent de 16 ans, qu'un jeu adulte d'une vingtaine ou une trentaine d'année ou qu'un adulte d'âge mur. C'est la magie de "Vice versa" : il peut être vu et apprécié par tout le monde, et il sera personnellement compris (et probablement apprécié) par chacun.


Ce film est composé de centaines d'idées de mise en scène et scénaristiques, toute aussi géniales et brillantes les unes que les autres. Chaque souvenir de Riley est conservé dans une boule de couleur (différente selon l'émotion dominante attachée à ce souvenir), et ensuite, ces boules sont conservées dans la mémoire à court terme, puis dans la mémoire à long terme (qui correspond à d'immenses étagères), ce qui donne un magnifique visuel multicolore, avec ce mélange de tous les souvenirs colorés. Aussi, il y'a une vraie idée, aussi bien de scénario que de réalisation, avec ces étagères : au début du film, lorsque Riley va bien, elles sont parfaitement rangées ; or, lorsque Riley entre dans sa mauvaise période, on remarque que toutes les étagères sont totalement dérangées, ce qui montre que rien ne va dans sa tête, tout est instable.
Il y'a également une vraie idée en ce qui concerne un personnage en particulier, à savoir Big Bang, l'ami imaginaire que Riley avait quand elle était toute petite. Déjà, concernant sa conception, Big Bang est un ensemble d'animaux et de sucreries, et il le dit lui-même, c'est parce qu'à sa création, lorsque Riley avait 3 ans, elle ne connaissait que les noms et bruits d'animaux, et les aliments qu'elle aimait vraiment manger. Aussi, son traitement est très intéressant, car c'est un personnage naïf, qui voit la vie en rose, mais qui tombe petit-à-petit dans l'oubli, alors que Riley grandit...
On trouve également une vraie réflexion sur la manière dont la mémoire fonctionne, et la manière dont nos émotions surpassent tout : par exemple, une blague est faite sur les présidents américains que Riley connait, car elle ne se souvient que des plus connus (comme Lincoln par exemple) et de ceux qui ont un nom rigolo (on remarque donc qu'on se sert de nos émotions pour se souvenir de certaines choses) ; cela concerne également le fait qu'on ait parfois des petites choses qui nous reviennent en tête sans raison et sans qu'on le demande, car c'est un souvenir particulier (par exemple, dans le film, il s'agit d'une musique provenant d'une publicité pour enfant).
Le monde des rêves et cauchemars est également présenté dans le film d'une manière très intelligente : déjà, selon l'émotion qui prédomine dans notre esprit, on sait qu'il s'agit d'un rêve heureux ou d'un mauvais rêve, voire un cauchemar ; aussi, il y'a toute une idée sur la manière dont le subconscient agit, avec le mélange entre la réalité et le plus profond de notre imagination...
Le film déborde de bonnes idées, cela concerne donc aussi bien le scénario que les idées de réalisation de Pete Docter.


L'humour à la Pixar est également très présent dans le film, ce qui le rend plus accessible et plus léger, alors que la thématique principale n'est en soit pas très joyeuse ou optimiste. Mais aussi bien les gags visuels (les titres des journaux lus par Colère par exemple) et textuels (les blagues décalées, sarcastiques) que les gags de situation (les incursions dans les cerveaux des parents de Riley au cours d'une scène par exemple) permettent au spectateur de garder le sourire. Car à côté de cela, comme tout film Pixar, ce long-métrage n'échappe à la grande tradition de vouloir rendre triste le spectateur, et son contenu y aide beaucoup, faisant couler les larmes à flot (on pense notamment à la scène ou Riley confie son mal être à ses parents, ou la disparition de Big Bang).


Le film est court, il dure environ 1h20, et en moins de 5 minutes, tous les personnages principaux (les 5 émotions d'une part et Riley et ses parents d'autre part) sont présentés. Cela est presque regrettable que le film soit aussi court, il est tellement riche qu'il aurait été génial de profiter avec quelques minutes supplémentaires (par exemple avec quelques incursions en plus dans le cerveau d'autres personnages, comme on peut le voir dans le film). Mais cette courte durée renforce la puissance du film, le rythme est endiablé, il n'y a aucun temps mort, donc il n'y a rien à redire.
Aussi, Michael Giacchino, l'un des principaux compositeurs du studio Pixar, offre une composition (sa deuxième collaboration avec Pete Docter, après "La haut") très sobre et très intéressante, avec un thème très lent, et d'autres musiques très rapides, offrant un grand contraste musical dans cette histoire.
Par ailleurs, le doublage français est excellent, tous les doubleurs sont parfaits dans leur rôle, ils sont très drôles, très touchants et réalisent une excellente prestation (mentions spéciales à Gilles Lellouche dans le rôle de Colère, Marilou Berry dans le rôle de Tristesse et Pierre Niney dans le rôle de Peur).


Bien entendu, le film est porteur d'un très grand nombre de messages, notamment que la joie et la tristesse ne peuvent exister qu'ensemble, l'une dépendant de l'autre ; que les enfants doivent grandir, oubliant certains souvenirs du passé, comme un éventuel ami imaginaire ; que l'on passe tous par des moments difficiles, et que certaines idées que l'on a sous le coup de nos émotions (telles que la colère), comme fuguer, n'est pas une bonne solution ; qu'il faut compter sur ses proches, sa famille et ses amis, pour s'en sortir ; etc.


"Vice versa" est un petit chef d'oeuvre. Pete Docter montre qu'il est un réalisateur et scénariste hors pair, c'est sa troisième réalisation, c'est une troisième très grande réussite. Il démontre toute son intelligence, toute son imagination, toutes ses capacités, tout son talent. Il est l'homme fort de Pixar. Un homme extrêmement intelligent, qui offre des films brillants.
Ce film est la représentation de ce que j'aime au cinéma, et tout particulièrement chez Pixar : mêlant humour et tendresse, joie et tristesse, il amène à réfléchir, aussi bien sur le contenu que sur la mise en scène, et c'est génial, car "Vice versa" est tellement intelligent qu'il appelle constamment à s'interroger. Il s'agit d'un film qui doit être vu et revu pour être entièrement aimé et compris. A titre personnel, je l'apprécie encore plus à chaque visionnage. C'est un film extraordinaire, car il est brillantissime.

HugoDe_Ranter
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top 10 Films et Les meilleurs films d'animation Pixar

Créée

le 24 mars 2021

Critique lue 464 fois

Hugo De Ranter

Écrit par

Critique lue 464 fois

D'autres avis sur Vice-versa

Vice-versa
CinemAd
10

Quand j'avais 5 ans, mon papa m'a emmené voir Toy Story

Lundi 18 mai 2015, Festival de Cannes. Posé devant les marches, dans une chaleur écrasante et au milieu d’une foule monstre, je pleure seul en silence. Cela fait 40 minutes que j’ai vu Vice-Versa et...

le 20 juin 2023

183 j'aime

14

Vice-versa
guyness
9

Sous le goût de l’émotion

Avec bientôt 8 ans et 600 films au compteur, il était important de connaitre l’avis de Timéo, spécialiste du film pour enfant, sur Vice Versa. (SensCritique) Timéo, afin de clairifier les choses...

le 14 juin 2015

163 j'aime

34

Vice-versa
Daevaorn
5

Introduction à la psychologie de bazar

Sans jamais avoir été un adorateur de film d'animations Pixar, j'ai toujours apprécié les long-métrages du studio. Ils réussissaient à dégager beaucoup d'énergie grâce à une histoire simple mais bien...

le 21 juin 2015

120 j'aime

18

Du même critique

Malcolm & Marie
HugoDe_Ranter
8

L'histoire de l'amour

En France, pendant le confinement de mars 2020, des réalisateurs/scénaristes ont eu l'idée de nous pondre des films comme "Connectés", loin d'avoir un grand intérêt. De l'autre côté de l'Atlantique,...

le 8 févr. 2021

2 j'aime

Le Sens de la fête
HugoDe_Ranter
8

On s'adapte !

Pour Jean Pierre Bacri (1951-2021), au talent immense, qui va nous manquer. 6 ans après le succès retentissant de leur chef d'oeuvre "Intouchables" et après leur dernier film "Samba" (2014), qui...

le 18 janv. 2021

2 j'aime

Mississippi Burning
HugoDe_Ranter
8

Les flammes de la haine

Dans les années 1960, le tristement célèbre Ku Klux Klan (KKK) était très/trop actif, s'en prenant aux citoyens américains (essentiellement les afro américains) qui luttaient pour l'exercice de leurs...

le 25 avr. 2021

1 j'aime