Vice-versa
7.5
Vice-versa

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Ronnie del Carmen (2015)

Difficile d’écrire sur Inside Out sans tomber dans le superlatif et, thème oblige, l’émotionnel.


Ce film m’a laissé sur les rotules, comme plus récemment Mad Max dans un genre évidemment très différent. Je n’ai pas autant pleuré devant un film depuis longtemps, a fortiori dans un cinéma, et à dire vrai en y repensant je ne suis même pas certain d’avoir déjà autant pleuré devant un film. À grimacer et serrer les dents afin de ne pas éclater en gros sanglots bruyants dans une salle remplie. Oh, non pas que j’aie peur d’attirer les regards ; je ne voulais surtout pas empêcher les autres de profiter de ce qui se déroulait à l’écran.


De joie, de tristesse, de colère, de peur et de dégoût, j’ai versé toute sorte de larmes, et j’y ai pris un plaisir intense. Rétrospectivement et avec le recul d’une nuit, je ne trouve pas une seule seconde d’ennui dans ce film, le rythme est absolument parfait, offrant les petits répits nécessaires pour se remettre de la succession infernale de secousses morales subies par la petite Riley. Avant de relancer l’ascenseur émotionnel, un crescendo jamais forcé, mêlant quête initiatique, road movie, fable, poème…


Il offre en outre, de manière magistrale, la démonstration de tout ce que j’admire tellement dans les films d’animation adroitement construits : un concentré de ressentis bruts, au service d’une histoire intelligente pour le bénéfice des plus grands comme des plus petits. Ces derniers trouveront une leçon de choses sur la fabrique des émotions et les mécanismes de la mémoire, vulgarisés avec un à-propos visuel et néanmoins une précision redoutable qui m’ont laissés, je dois le dire, béat d’admiration. Pour les adultes, il sera difficile de ne pas trouver au moins une situation faisant écho à notre propre vécu, tout en relevant la subtilité avec laquelle est dépeint le passage à l’âge adulte, la caractérisation des mutations douloureuses et néanmoins nécessaires, la déconstruction puis reconstruction, la complexification des perceptions et des souvenirs.


De façon plus personnelle, ce récit fait vibrer des cordes particulièrement sensibles chez moi, la notion de sacrifice, le personnage apparemment secondaire qui est mis en avant d’une façon presque inattendue tout en étant particulièrement appropriée et porteuse d’une symbolique extrêmement forte. C’est un tour de force narratif, on ne sait jamais vraiment où l’histoire est en train de nous porter, fondant, sur base d’une trame extrêmement classique et d’un évènement on ne plus banal, un pèlerinage parmi les plus éprouvants auxquels il m’ait été donné d’assister.


C’est peut-être là le plus édifiant, combien une histoire universelle et touchant un enfant, peut receler de violence et d’un tourbillon de tourments, avec toujours la joie, tenant à bout de bras tout un petit monde qui chancelle.


Ce grand maelström s’agite devant nos yeux ébahis, bercé par une musique magnifique, servi par des graphismes que j’ai trouvés superbes dans leur simplicité (avis non partagé par ma moitié), ainsi qu’un chatoiement de couleurs et de lumières aussi éblouissantes que la 3D, exemplaire de mon point de vue.


L’univers est cohérent, avec des supports visuels pour permettre aux jeunes de se projeter et d’appréhender des notions très subtiles et abstraites in fine, mais dont l’ingéniosité et la beauté laisseront tout loisir aux adultes de s’extasier. J’ai pour ma part adoré les « îles ».


L’ensemble n’oublie évidemment pas d’être drôle, l’humour délicat et savamment dosé ne faisant qu’exacerber les situations plus tristes. Les side-kicks sont globalement géniaux, et la personnalité de chaque émotion suffisamment creusée pour ne pas laisser une impression de faire-valoir. Chacun aura l’occasion de briller, de prouver toute sa pertinence au casting, et de nous surprendre agréablement dans la patience et la maîtrise du cheminement vers la conclusion.


Il faudrait que je retrouve où, mais je suis sûr d’avoir écrit récemment toute mon amertume de voir la paresse et la déchéance du studio Pixar, pionnier de l’animation numérique et ayant, de mon point de vue, réinventé la façon de raconter aux enfants de belles histoires dans les dessins animés, tout en parlant la langue des adolescents et adultes de manière sous-jacente. Inside Out est un joyau éclatant, digne représentant de ces chefs-d’œuvres modernes, dont la technicité le dispute à l’habileté des différents niveaux de lecture.


Après le désastreux Brave, un Cars 2 dénué de la moindre ambition (dis-je sans l’avoir vu… Mais bon le premier m’ayant déjà laissé dubitatif, voyez-vous), le renouveau du studio est là, je l’espère de façon durable. Je ne regrette pas d’avoir cédé à l’enthousiasme général, tout en avouant ma méfiance au moment de rentrer dans la salle. D’autant que ce genre d’engouement universel a généralement tendance à me faire fuir plus qu’autre chose, quitte à voir le film sereinement quand la hype est retombée.


Ici aucun regret évidemment, je n’exclus d’ailleurs pas de retourner le voir, et ce n’était pas arrivé depuis un certain… Wall-E, tiens tiens. Non j’exagère, Mad Max attend également et toujours une seconde séance, mais c’était tellement récemment que…


2015 est un excellent cru pour votre serviteur. Pourvu qu’ça dure !

SeigneurAo
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Chefs-d'oeuvres de Pixar !, et Films vus en 2015

Créée

le 22 juin 2015

Critique lue 1.6K fois

85 j'aime

15 commentaires

SeigneurAo

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

85
15

D'autres avis sur Vice-versa

Vice-versa
CinemAd
10

Quand j'avais 5 ans, mon papa m'a emmené voir Toy Story

Lundi 18 mai 2015, Festival de Cannes. Posé devant les marches, dans une chaleur écrasante et au milieu d’une foule monstre, je pleure seul en silence. Cela fait 40 minutes que j’ai vu Vice-Versa et...

le 20 juin 2023

183 j'aime

14

Vice-versa
guyness
9

Sous le goût de l’émotion

Avec bientôt 8 ans et 600 films au compteur, il était important de connaitre l’avis de Timéo, spécialiste du film pour enfant, sur Vice Versa. (SensCritique) Timéo, afin de clairifier les choses...

le 14 juin 2015

163 j'aime

34

Vice-versa
Daevaorn
5

Introduction à la psychologie de bazar

Sans jamais avoir été un adorateur de film d'animations Pixar, j'ai toujours apprécié les long-métrages du studio. Ils réussissaient à dégager beaucoup d'énergie grâce à une histoire simple mais bien...

le 21 juin 2015

118 j'aime

17

Du même critique

Your Name.
SeigneurAo
10

10 minutes : allez, encore 1h35 à supporter. 1h45 : mais... qu'est-ce qu'il vient de se passer ?

Il est des séances qui tombent à pic. Voici quelques jours, je devais expliquer en long, en large et en travers pourquoi, non, je n'avais pas aimé le merveilleux Arrival du non moins fantastique...

le 19 déc. 2016

197 j'aime

50

Léon
SeigneurAo
10

OK

Luc Besson de nos jours, c'est quasi-exclusivement Europa Corp, société quasi-caritative qui donne de l'argent pour que des films de daube puissent finir la lobotomie entamée par TF1 sur nos chères...

le 26 oct. 2010

173 j'aime

14

Mr. Robot
SeigneurAo
5

Mr Grosses Bottes bien boueuses et bien lourdes (avec spoilers)

Vous pouvez vous épargner Mr Robot. Et aussi cette critique si vous souhaitez persister, car elle est plombée de spoils. Regardez Fight Club (évidemment, tout le monde l'a déjà dit), Dexter,...

le 23 sept. 2015

133 j'aime

80