Vice-versa
7.5
Vice-versa

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Ronnie del Carmen (2015)

Monsieur PIXAR,


Je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être, si vous avez le temps. Aspergée de parfum, rouge à lèvres carmin. En ce mardi 1er juillet 2015, jour de Canicule en Bretagne, je suis allé voir votre dernière production, Vice Versa.


On m’avait vendu du rêve, dit que c’était du grand Pixar. Mais cela est-il étonnant de votre part, vous qui avez rendu vivants nos jouets d’enfants avec Toy Story, vous qui nous avez réconcilié avec nos peurs d’enfants avec Monstres et Cie, vous qui nous avez rappelé l’importance de notre monde et qu’un robot a plus d’humanité et d’amour à donner que certains être humains avec Wall-E, vous qui nous avez rappelé que le temps passe mais jamais ne s’oublie avec Là-Haut, qu’une princesse n’est pas là juste à attendre son prince charmant avec Rebelle. Bref, vous nous avez toujours fait rêver sans jamais nous prendre pour des cons. Oui vos films ne semblent destinés qu’à un public très jeune, mais ce serait une erreur de le penser. A chaque génération, la lecture de vos œuvres et de vos thèmes.


Comme dirait Sam dans Le Seigneur des Anneaux :


«C'est comme dans les grandes histoires, monsieur Frodon, celles qui importaient vraiment, celles où il y avait dangers et ténèbres. Parfois, on ne voulait pas connaître la fin car elle ne pouvait pas être heureuse. Comment le monde pouvait-il redevenir comme il était avec tout ce qui s'y était passé ? Mais, en fin de compte, elle ne fait que passer cette ombre, même les ténèbres doivent passer. Un jour nouveau viendra et, lorsque le soleil brillera, il n'en sera que plus éclatant. C'était ces histoires dont on se souvenait et qui signifiaient tellement même lorsqu'on était trop petit pour comprendre. Et je crois, monsieur Frodon, que je comprends. Je sais maintenant. Les personnages de ces histoires avaient trente-six occasions de se retourner mais ils ne le faisaient pas, ils continuaient leur route parce qu'ils avaient foi en quelque chose. »


Vos histoires sont de celles que l’on veut raconter à nos enfants avant de dormir. Celles qui grandissent avec nous et qui sont toujours aussi bienveillantes. On sous-estime souvent le pouvoir d’une bonne histoire. J’ai grandis avec votre univers, sans réellement m’en rendre compte, regardant chacune de vos œuvres avant toujours autant de délectation, m’y replongeant avec ce désir toujours intact. Je ne peux que vous dire, Merci. Merci de nous offrir de tels cadeaux à chaque fois.


Vice Versa ne déroge pas à la règle. C’est un petit bijou d'animation. C'est intelligent, bien écrit, inventif et touchant. Je crois que je pourrais en parler pendant des heures, analyser la richesse de cette œuvre, mais je trouve que cela gâcherais le plaisir de visionnage. C’est un film qui parle de choses simples mais avec toujours autant de virtuosité. J’avoue que bien qu’appréciant l’œuvre, j’ai toujours une préférence pour Monstre et Cie qui est mon film préféré dans votre filmographie, vient ensuite Là-haut qui m’a beaucoup touché, notamment au début, j’avais plus que la larme à l’œil.


Et bien que l’hémorragie de mes désirs s’est éclipsée sous l’azur bleu dérisoire du temps qui se passe, contre duquel on ne peut rien, je me dois de vous expliquer un plus en détail, pourquoi j’ai aimé votre œuvre.


Déjà parce qu’il est question du cerveau et de son fonctionnement, un sujet qui m’intéresse beaucoup. Le concept de personnifier les sentiments que l’on peut ressentir, surtout à un âge tel que celui du personnage de Riley, c'est-à-dire 11 ans, est intéressant et une source quasi-illimitée d’idées. C’est un âge transitoire entre la fin de l’enfance et le début de l’adolescence, là il se passe beaucoup d’évènements importants. C’est aussi un âge où l’on met beaucoup de choses de côté, de manière consciente ou non. Le fait de faire déménager Riley et sa famille, permet justement d’accentuer cette transition. Et je trouve que c’est habillement montré à l’écran, à travers les flashbacks et l’intégration de Riley dans sa nouvelle vie, sans que cela tombe dans la facilité ou le pathos. De par la manière tout cela est illustré à l’écran, cela montre que ce film s’adresse aussi et peut-être surtout aux grands enfants que nous sommes, une manière de nous rappeler comment nous pouvions être à cette époque, avec ce côté nostalgique bienveillant.


Ce n’est pas uniquement un film sur une petite fille dont la vie change, c’est aussi un film sur les sentiments au sens propre du terme. Les personnifier nous permet, dans un certain sens, de les comprendre et d’accepter qu’aucun n’est réellement mauvais. Ils sont étrangement indispensables à notre évolution et à notre compréhension de nous-mêmes. Tout n’est pas noir ou blanc, il y a des nuances qui sont importants. Il n’y a pas que le personnage de Riley, il y a aussi « Joie », « Tristesse », « Dégoût », « Peur », « Colère » qui évoluent. Si chaque détail forme un tout, c’est qu’il y a une raison.


Mais vous avez compris, ou plutôt vous avez jugé que de personnifier les sentiments ne suffisait pas à faire un bon film. Vous avez décidé d’illustrer quasiment tout ce qui compose notre certains et forme des piliers indispensables à son bon fonctionnement : la mémoire et ses nuances, les rêves, l’imagination, etc... Votre film déborde d’idées tout aussi géniales les unes que les autres. Et vous savez parfaitement les exploiter et les imbriquer les unes aux autres pour rendre l’ensemble de votre œuvre fluide et jouissif à regarder. Vous avez toujours réussi à le faire, mais là je trouve que vous avez monté d’un pallier.


J’ai adhéré à chacun de vos idées que j’ai adorées et qui offre des moments mémorables et drôles. Mais comme je suis un peu salaud, je préfère ne rien dire de plus pour laisser le lecteur dans la frustration et surtout dans l’obligation de voir l’œuvre pour l’apprécier. Personnellement, j’ai vu que furtivement une bande-annonce pour garder la surprise et je ne suis pas déçu.


Certes, le film n’est pas exempt de tous défauts, mais ceux-ci sont assez négligeables. Le seul reproche que l’on pourrait faire c’est que le film est peut-être un peu trop compliqué pour les enfants, mais il y a matière à ce qu’il apprécie quand même. En grandissant, ils l’apprécieront encore plus. C’est un film touchant en, plus d’être drôle car, comme je le disais, qui dit transition, dit abandon de certaines choses. Et la manière dont vous le traitez, je vous déteste. Vous nous faites quasiment regretter des choix indispensables, tels que pouvait l’être « l’abandon » de jouets dans Toy Story ou d’une maison dans Là-Haut. Mais d’un autre côté, même si cela est une fatalité, ce n’est pas honte. Au contraire, c’est malheureusement un passage obligé pour avancer. Dans Toy Story, c’est une question de transition. Dans Là-Haut c’est pour avancer. Dans Vice Versa, vous verrez. En gros, ce que vous nous dites, c’est qu’il ne faut pas regretter ce genre de choix difficiles ou de pas les faire, au contraire, c’est une obligation pour évoluer et même si c’est une fatalité, c’est une nécessité. Et cela donne un passage très touchant dans Vice Versa. Tous les thèmes que vous abordez sont intéressants et intelligemment bien traités pour que cela soit compréhensible du plus grand nombre, peut-être un moins pour les jeunes enfants comme je vous le disais.


Je pourrais en parler pendant des heures, tant j’ai beaucoup aimé ce film et c’est un coup de cœur. Mais trop en dire gâcherait le plaisir. Plus j’y pense et plus je l’apprécie. Mais comme moi, dis-toi, qu’il est tellement plus mieux, d’éradiquer les tentacules de la déréliction. Et tout deviendra clair. C’est un de vos meilleurs films et un des meilleurs films de cette année 2015. J’attends donc avec impatience votre prochain projet.


Un mot pour dire qu’une fois de plus, Michael Giacchino nous livre une bande-son magique.


Tout ça pour vous dire,


Merci Monsieur Pixar pour ce moment.

Manu_Guillaume
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le 1 juil. 2015

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mr. edward

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