L’approche du fantastique adoptée par Vif-Argent n’est pas sans rappeler une certaine veine du cinéma fantastique défendue par Georges Franju par exemple avec son long métrage Judex (1963), soit l’errance d’un jeune homme perdu entre deux rives et dont le corps flotte entre la vie et la mort. Juste dispose en effet d’un statut particulier, entre victime et passeur chargé de guider les morts vers leur lieu de repos, un lieu qui s’ancre dans la mémoire.


Faire du souvenir un lieu d’éternité en direction duquel marcher et où se retirer constitue une idée scénaristique et esthétique remarquable à l’origine de nombreuses scènes superbes, notamment la rencontre entre le jeune guide et une vieille Italienne. « L’espoir est la dernière chose à mourir », lui révèle cette dernière, révélation qui explose aux yeux et aux oreilles – par le biais de Sergei Rachmaninoff – lors d’un finale bouleversant : il faut exister non pas tant pour soi mais pour et par quelqu’un, être important(e) pour autrui et pouvoir compter sur sa fidélité, son amour, son souvenir.


Vif-Argent tire son titre de l’ancienne appellation du mercure, ce métal liquide qui remplit un baromètre et qui grimpe en cas de chaleur ; son principe équivaut à celui du mercure, il permet aux hommes et aux femmes de monter au ciel, d’atteindre une plénitude spirituelle ou sexuelle ; métal qui entretient avec la mort une relation étroite, puisqu’en ingérer suffit à mourir. Le long métrage jouit d’une mobilité agréable, saute d’un Paris fantomatique aux paysage boisé ou maritime, court, enlace, danse, tout en diffusant une mélancolie profonde, à fleur de peau malgré l’absence physique.


En dépit de quelques longueurs et de symboles parfois lourdement amenés qui empêchent le film de s’élever véritablement – pensons à la main collée sur la vitre du train qui laisse une trace pendant le voyage d’Agathe –, Vif-Argent investit le fantastique avec talent et inspiration, offrant quelques moments superbes, à commencer par un enlacement mi spectral mi physique dans la chambre à coucher.

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le 18 avr. 2020

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