Aux réfractaires qui sont encore une petite légion à affirmer crédulement que le cinéma français "n'est plus ce qu'il était", il semblerait que l'année 2023 suffise amplement à elle-même pour démentir toutes inepties et clore le débat. De Dupieux à Triet, d'Herry à Kahn, de Cailley à Durand, cette année s'impose comme la référence de ce que nous savons offrir de plus riche et de plus délectable en matière de métrages.


Et Vincent doit mourir ne fait pas exception à la règle. Le premier long métrage de Stéphan Castang est une grande réussite qui promet au spectateur une expérience absolument marquante, il s'agit d'une véritable claque (un coup de poing même, si l'on veut être en accord avec le film) visuelle, sonore et psychologique que l'on accepte volontier.


Cette rougeur que vous gardez au coin de la joue se caractérise surtout par une violence soudaine et graphique qui ne prévient pas et que l'on vous impose. En effet, le synopsis parle de lui-même, Vincent est un graphiste à la vie paisible qui voit sa vie basculer du jour au lendemain en raison d'agressions intempestives et régulières à son égard qui paraissent d'une colère infondée. Suite à ça, il décide de fuir la ville pour s'aérer à la campagne et éviter tout contacts humains, hors c'est là qu'il découvre que son mal n'est pas un cas unique et qu'il a une ampleur bien plus grande...



(Attention : le divulgâchage commence à partir d'ici)



Vincent doit mourir est donc un film d'une brutalité singulière où la violence monte de façon crescendo et où les aggressions sont de plus en plus marquantes physiquement pour le personnage (débutant du simple cocard, allant jusqu'à l'éventrement). Le film témoigne d'une vision obscure de la société où la violence touche absolument toutes les générations et semble ne trouver aucuns fondements si ce n'est une rage naturelle et primaire que même les animaux ne comprennent et ne partagent pas. L'animosité y est lourde et omniprésente, que ce soit par les dialogues, les images ou encore la radio, tout semble envenimer la situation qui est déjà catastrophique.

Et si certaines scènes pourraient rappeler le schéma des bastons démesurées dans Kingsman : service secret, le visionnage y est pourtant bien moins jubilatoire. Non pas en dépit de la qualité de la réalisation (qui est remarquable) mais par ce grand attachement que l'on se fait aux personnages (notamment grâce a un duo d'acteur incroyablement fusionnel) et ce réalisme frappant du métrage qui nous ferait presque douter de rentrer chez nous dans la plus grande paisibilité.


Lors de l'avant-première aux Halles, le producteur Thierry Lounas à affirmer être très attentif aux retours qui se feraient sur le film en expliquant que malgré la parution, l'équipe de réalisation restait encore indécise quant au véritable raisonnement de leur métrage qui, il est vrai, ouvre un grand nombre d'interprétations.


Je me permettrais alors de répondre qu'à mon sens, Vincent doit mourir est un film d'amour (eh ouais ça claque comme réflexion je sais !). Bien que l'on soit sans cesse accablés de violence et de liens brisés (le père et sa prof de yoga, la mère et sa fille, Joachim et sa femme,...), le sujet fondamental qui en ressort reste l'amour inconditionnel qui s'érige au delà de tout hourvari pour n'admettre que sa définition la plus certaine : un sentiment qui pousse à aimer.

Et c'est exactement ce que vit Vincent, lui que l'on présente alors comme une victime sentimentale qui travaille encore dans la boîte de son ex et qui espère trouver du réconfort dans les sites de rencontre (cf les réactions suite à la publication de son "Life is hard", puis son rencard).

Sa relation avec Margaux est alors rare est précieuse, elle s'émancipe au delà du paraître, au delà des violences réciproques (comprenez cette phrase avec le contexte bien sûr...), au-delà du jugement. Si la construction de leur relation se prête à un mécanisme plutôt classique basé sur le désintérêt, la consolidation est elle d'une pureté bien plus belle. Là où est installé chaos et destruction, les amoureux avancent ensemble dans un brouillard de violence, dans une rosée de confiance, alors qu'ils sont eux-mêmes un danger l'un pour l'autre.


Dans l'incompréhension d'un mal ubiquiste qui semble déferler haine et violence, Vincent et Margaux portent un message fort sur la puissance de l'amour, un sentiment absolu qui transgresse les réactions humaines et qui survit malgré l'aveuglement, malgré la peur et malgré la mort.

Créée

le 11 nov. 2023

Critique lue 673 fois

11 j'aime

9 commentaires

PabloEscrobar

Écrit par

Critique lue 673 fois

11
9

D'autres avis sur Vincent doit mourir

Vincent doit mourir
Plume231
7

Fermer les yeux !

Vincent, citadin au quotidien bien établi, travaillant dans un bureau, se déplaçant à vélo, ayant un mode de vie confortable, se voit, du jour au lendemain, la victime d'agressivité physique effrénée...

le 15 nov. 2023

36 j'aime

4

Vincent doit mourir
Moizi
4

Inabouti

Regardé au pif parce qu'il y avait Vimala Pons et que le pitch était intrigant, Vincent doit mourir est sans rien en attendre malgré tout une petite déception.Disons que le film commence bien, le...

le 20 mars 2024

26 j'aime

3

Vincent doit mourir
Dagrey_Le-feu-follet
7

"Alors Hugo, tu ne m'as pas apporté mon café?"

Du jour au lendemain, Vincent est agressé à plusieurs reprises et sans raison par des gens qui tentent de le tuer. Son existence d’homme sans histoires en est bouleversée et, quand le phénomène...

le 18 nov. 2023

20 j'aime

7

Du même critique

Wonka
PabloEscrobar
8

Oompa Loompa Doopety Doo

Willy Wonka fait parti de ces rares personnages adaptés au cinéma qui rajeunissent à mesure qu'ils font leur apparition dans un nouveau film.Originaire du célèbre livre de Roald Dahl sorti en 1964,...

le 24 déc. 2023

44 j'aime

7

Pauvres Créatures
PabloEscrobar
8

Oh Bella Ciao

Ainsi débute l'année 2024. Véritable hagiographie de la liberté sexuelle féminine, Poor things est une œuvre pleine d'humour à la texture d'image épurée et richissime de couleurs qui scande les...

le 4 janv. 2024

33 j'aime

13