Dans son for intérieur, Kinji Fukasaku était un punk. Un vrai. Il le prouva par ailleurs en adaptant à l'écran le roman ultra violent de Kōshun Takami, Battle Royale, à l'âge de 70 ans. Et en analysant ses films les plus vénères, il est aisé de constater combien le chaos anarchique que Fukasaku mettait en scène reflétait un certain manque d'idéologie sociétale face au libéralisme individualiste prôné par la surconsommation. Si l'apologie du divertissement était de regarder des enfants s'entretuer lors d'un show TV dans Battle Royale, c'est l'éloge du braquage de banque qui se voit ici dépeinte pour démontrer combien, en 1976, le Japon (à l'instar de l'Angleterre et de l'Italie en Europe) était au bord de l'implosion sociale. Exactement de la même manière que Takashi Miike le démontra, 23 ans plus tard, dans la chaotique introduction de Dead Or Alive, sommet du polar métaphorique néolibéral. La vie, la mort, la violence, le rêve et la quête du bonheur sont ainsi traités sous le signe de l'hystérie la plus furieuse qui soit dans Violent Panic : The Big Crash. Mais aussi sous celui du pithiatisme le plus jouissif.
Takeshi et Mitsuo braquent des banques aux quatre coins du Japon. Et ce qui devait être leur coup final avant de fuir pour le Brésil ne se déroule pas comme prévu suite à l'accident mortel dont est victime Mitsuo. Aux côtés d'une prostituée, Takeshi va devoir organiser sa cavale face aux forces de police de tout le pays, surmotivées à arrêter le braqueur, mais également face au frère de Mitsuo, décidé, lui, à récupérer coûte que coûte le butin…
Si l'on ressent ici l'influence des violents poliziottesco qui sévissaient sur les écrans italiens dans les années 1970, Fukasaku y ajoute plusieurs genres spécifiquement nippons pour agrémenter Violent Panic : The Big Crash d'une folie peu commune. Brutalité, perversions, fétichismes sexuels et poursuites endiablées en voitures jalonnent ainsi un métrage palpitant et convulsif qui ne laisse pas une seconde de répit à ses spectateurs. Formidable metteur en scène, Fukasaku arbore frontalement son savoir-faire aidé, il est vrai, par un énergique découpage et un percutant montage du plus bel effet. Tout va vite, très vite, dans cet univers gangrené par l'animalité la plus déchaînée de ses personnages. Avec ses bouffons pathétiques et ses loustics libidineux, Fukasaku nous ouvre les portes d'une société de surconsommation où l'être humain nage en pleine dégénérescence, avide de diverses perpétrations à posséder. Une maladie qui n'a jamais cessé de croître et qui étouffe toujours plus une humanité qui, paradoxalement, reste dépendante de ses symptômes pathologiques.
Sous ses allures de série B décadente, Violent Panic : The Big Crash est un OFNI férocement intelligent, cru et fou. À l'instar de Dead Or Alive de Miike, justement. Une œuvre certes excessive dans sa forme, mais impitoyablement réaliste dans son fond.