Virage bien négocié.

Il y a treize ans sortait un petit film canadien du nom de « Blackbird » qui avait marqué les esprits du peu de spectateurs l’ayant vu. On y suivait un adolescent mal dans sa peau et isolé pris dans un engrenage infernal car la police le suspectait de vouloir mener un attentat contre sa communauté suite à un malentendu. Un scénario original et magistral, des acteurs méconnus mais très bien dirigés, dont le jeune Connor Jessup, et un suspense digne d’un thriller doublé d’une analyse sociétale et psychologique pleine de finesse. Ce long-métrage était réalisé par Jason Buxton dont on n’avait pas entendu parler depuis. Et c’est bien dommage... En effet, plus de dix ans après donc, son nouveau film nous embarque tout autant avec les mêmes qualités et confirme un auteur passionnant et peu commun.

Ici, l’affiche et le titre voire les prémisses nous laissent croire à un début de thriller. Sauf que « Virage fatal » est bien plus que cela. Pas de meurtres ni de crimes à résoudre ou d’affaire alambiquée ici. Non, juste une famille qui emménage dans une maison située devant un virage dangereux où de nombreux accidents de la route se déroulent. Carambolages qui vont développer une obsession maladive chez le père désintégrant peu à peu le noyau familial. Si le film est canadien comme Cronenberg, on est très loin de « Crash » auquel ce résumé pourrait faire penser et où on voyait des couples prendre plaisir à avoir des rapports sexuels pendant des accidents de la route. Ici, le père est joué par un Ben Foster impressionnant qui prouve qu’il est un acteur passionnant et sous-employé (comme ses prestations géniales dans « Comancheria » ou « Leave no trace » le montrent). Son personnage permet une étude psychologique fascinante sur l’obsession qui va devenir compulsive et malsaine jusqu’au point de non-retour au point de le briser.

« Virage fatal » pose ses bases avec application, nous réservant même plusieurs séquences choc inattendues (celle du premier accident est incroyable et nous fait bondir sur notre siège). Puis, impeccablement écrit, il déroule tranquillement et posément le fil de son intrigue. Toujours réaliste, souvent anxiogène et parfois dramatique, le film est réalisé avec soin et nous porte durant près de deux heures sur son postulat extrêmement original. Il y a une tension sourde, une impression que tout cela va mal finir, le genre de film où se met à la place du personnage principal et où on déplore ses actions. La fin est peut-être le point faible du film, un peu trop abrupte et sibylline et dont on peine à saisir le sens. Un peu en queue de poisson si on garde le jargon routier très à propos pour ce film. En tout cas, une découverte et un excellent suspense psychologique doublé d’un drame familial réussi.

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