Quand la "grande muette" l'ouvre et se lâche à Chypre

L'idée d'offrir à une troupe ou section de jeunes militaires (majorité d'hommes + quelques rares femmes) de retour d'Afghanistan 3 jours de "décompression" dans un luxueux hôtel d'une station balnéaire idyllique au plein milieu de la Méditerranée (partie grecque de Chypre), pour qu'ils s'y délestent, via notamment des séances de "debriefing", d'un peu de leurs traumatismes des six mois de guerre qu'ils viennent de vivre, avant de rentrer dans leurs familles en France, aurait pu donner lieu à un très bon film.
Malheureusement, le scénario lui-même et la réalisation du métrage ne sont pas tout à fait, m'a-t-il semblé, à la hauteur du pitch de départ et de son double aspect : celui "sas de décompression à Chypre" et celui "deux + 1 jeunes femmes militaires au milieu de jeunes militaires hommes" (ces femmes et hommes ayant tous participé aux opérations militaires de la force française en Afghanistan et vivant sur un pied d'égalité).
Déjà, au lieu que les soldats rejouent par la parole l'attaque de leur convoi de camions par des rebelles afghans, j'aurais préféré de vrais flash-backs de l'embuscade, qu'on puisse revivre vraiment l'action selon les différents points de vue (quitte à garder la verbalisation du traumatisme en voix off).
Je ne trouve pas non plus très réaliste la facilité avec laquelle ces trois jeunes femmes militaires se laissent embarquer par deux mecs "locaux" qu'elles ne connaissent pas ou quasiment et dont les intentions sont évidentes. Tout le dérapage final (si on peut appeler ça comme ça) découle quand même plus ou moins de leur non-respect de la discipline, et pour l'une d'entre elles, de la "légèreté" de son comportement... non pas léger en soi (chacun baise avec qui lui plaît) mais léger parce que, participant à cette fête villageoise avec 3 militaires mâles de sa section eux-mêmes affamés sexuellement, elle aurait dû pressentir que s'envoyer en l'air avec un quidam de rencontre au nez et à la barbe de ses potes de section qu'elle n'avait, eux, jamais "calculés" durant tous ces mois de copinage guerrier, allait sûrement les enrager (parce que se sentant insultés dans leur orgueil de mâles) et qu'après sa fugace étreinte avec ledit quidam et leur retour dans le groupe, il suffirait d'un rien pour que ça dégénère.
En tout cas, son "écart de conduite" et ce qui s'en est suivi auront fait comprendre à cette jeune militaire (l'une des deux ou trois héroïnes de l'histoire) qu'elle n'est pas faite pour l'armée, et qu'il lui faut chercher une autre voie professionnelle.

Encore une fois, Voir du pays aurait pu être un très bon film sur la "grande muette" et les problèmes notamment posés par l'incorporation de jeunes femmes dans des contingents pendant des siècles exclusivement masculins. Le métrage part bien... pour se banaliser dans le dernier tiers. Somme toute, ça reste quand même une oeuvre intéressante (surtout que le point de vue du film est féminin, ce qui n'est pas si courant pour des films à contexte guerrier) et qui fait réfléchir, sans jamais ennuyer.