Oyez, oyez, gentes dames et hardis seigneurs ! Moi, le preux Chevalier Blanc, fleuron des donjons mal torchés et champion des causes aussi branlantes qu’un pont-levis rouillé, viens quérir vostre oreille affin de discourir de la farce chevaleresque intitulée Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine.
Qu’est-ce donc ? Une geste épique ? Nenni. Un drame tragique ? Que nenni. C’est un ragoût bouillant de chansonnettes et de brocards, où les rois ressemblent plus à des bouchers de foire qu’à de nobles monarques, et où les manants, à peine sortis de leur taverne, chantent à pleine bedaine la révolte et la dérision. Par ma barbe lustrée et néanmoins taillée, j’eusse bien voulu voir tel spectacle à la cour : nous aurions moins bâillé entre deux tournois.
Les vers, parfois, chevauchent clopin-clopant comme une mule enrhumée, mais qu’importe ! Le rire, tel un destrier sans frein, emporte tout sur son passage. On rit des souverains crétins, on rit des ennemis balourds, on rit même des héros qui oublient leur texte. La salle entière hennit comme une écurie pleine de poulains. Et moi, noble chevalier, armé de patience et d’une pinte, je dois confesser : j’ai ri jusqu’à me décoiffer la plume de mon heaume.
Certes, les érudits à longue robe fronceront le nez : “Fi ! diraient-ils, est-ce ainsi que l’on panse les plaies d’une province arrachée ?” Mais je leur rétorque, en frappant ma botte ferrée sur la table : mieux vaut un éclat de farce qu’un éclat de canon, mieux vaut chanson grivoise que défaite morose.
En somme, ce spectacle est une tourte drolatique : pâte légère, farce piquante, croûte croustillante de satire. Et si d’aventure vous cherchez la haute tragédie, passez vostre chemin ; mais si vos tripes réclament gaillardise et gaudriole, alors, par Saint Glinglin et Sainte Chopine, ruez-vous au banquet !
Ainsi j’ai parlé, moi, le Chevalier Blanc, parangon des plumes enrubannées et héraut des rires tonitruants. Que le bouffon m’apporte un pichet, car j’ai bien soif d’une autre représentation.
...Au fait, on vous a dit comment je m'appelle ?