Autour De La Table Ronde : Le Deuxième Récit De La Quête Pas Aboutie

ACTE I – LA CONVOCATION DU ROI


(INTÉRIEUR – SALLE DE LA TABLE RONDE. La lumière tombe à travers les vitraux. Arthur est assis, l’air fatigué. Autour de la table : Léodagan, Karadoc, Bohort, Lancelot, Guenièvre, Merlin, et quelques chevaliers secondaires. L’ambiance est morose. Une grande cruche de vin trône au centre. La porte s’ouvre dans un fracas.)


ARTHUR

Bon, j’vais pas tourner autour du pot : on va parler du Deuxième Récit.


BOHORT

Oh non… pas encore ! J’ai encore fait des cauchemars après le premier !


LÉODAGAN

C’est pas un cauchemar, c’est juste un truc un peu long.


KARADOC

Et un peu sec, aussi. À un moment, j’ai cru qu’ils avaient oublié de mettre du gras.


ARTHUR

Du gras ? Mais qu’est-ce que le gras vient foutre là-dedans ?


KARADOC

Ben si on veut que ça tienne au ventre, faut du liant. Là, y’a des scènes, c’est tout maigre.


LÉODAGAN

Ah ben tiens, encore un coup du régime scénaristique.


(Entrée fracassante de PERCEVAL. Il trébuche sur le pas de la porte, renverse une coupe.)


PERCEVAL

Non mais j’vous préviens, j’me suis barré avant la fin.


ARTHUR

Comment ça, « avant la fin » ?


PERCEVAL

Ben j’ai senti que ça allait partir en quenouille. Et puis, j’me suis pas reconnu du tout.


MERLIN

Attendez, vous vous êtes vus ?


PERCEVAL

Non mais… j’me suis pas reconnus dans l’esprit, quoi ! Ils m’ont raconté comme si j’étais pas là, et ceux qui restent, ben… c’est plus pareil.


ARTHUR

Bon, on va pas se mentir : vous n'êtes pas dedans.


PERCEVAL

Oui ben justement, ça se sent ! C’est tout de travers, ça manque de… moi.


LÉODAGAN

Oh oui, parce que les dialogues de débile, ça nous manquait tiens.


ARTHUR

Taisez-vous.


PERCEVAL

Non mais c’est vrai ! D’habitude, quand j’suis là, y’a un équilibre : y’a les gens qui comprennent, et moi qui comprends pas. Et là, ben tout le monde comprend, c’est chiant.


BOHORT

Moi j’ai rien compris pourtant.


PERCEVAL

Ouais, mais vous c’est pas pareil, vous c’est de la panique, pas de la philosophie.


ARTHUR

Bon. Essayons d’être constructifs. Qu’est-ce qui vous a gêné ?


PERCEVAL

Déjà, c’est trop sérieux. On dirait qu’ils ont collé du pathos sur chaque caillou. À un moment, Karadoc, il se fait poursuivre dans une forêt, j’me suis dit : ah, enfin, un moment rigolo ! Eh ben non, c’est triste.


KARADOC

Ah ben ouais, c’était moi, j’étais en train de chercher à bouffer. J’me suis fait courser par une vache possédée.


MERLIN

Alors ça, je peux expliquer. Symboliquement, la vache, c’est la mère nourricière. Elle représente la quête du sens intérieur—


ARTHUR

Non, vous pouvez pas expliquer, non.


GUENIÈVRE

Moi j’ai trouvé ça très beau, la vache. Elle brillait dans la nuit.


LÉODAGAN

Brillait ? Vous avez pas confondu avec le feu de camp ?


BOHORT

C’est vrai qu’il y avait beaucoup de feu, Sire. Trop de feu. À un moment, j’ai cru que tout le château allait y passer !


ARTHUR

C’est fait pour donner de la tension, Bohort.


BOHORT

Ah oui, ben mission accomplie, j’ai encore les mains qui tremblent.


LANCELOT

Moi, j’ai trouvé ce récit nécessaire. Il montre enfin la noblesse du sacrifice. La douleur, la lumière, la rédemption—


LÉODAGAN

Oui, enfin, trois plombes à cheval dans la brume, c’est pas non plus une catharsis.


ARTHUR

(agacé)

Mais vous m’emmerdez à la fin ! C’est pas un concours de blagues, c’est une œuvre !


PERCEVAL

Ben moi, j’dis juste que si on doit raconter nos histoires, faut pas oublier qu’on est un peu cons. Parce que sinon, ça fait bizarre.


ARTHUR

Ouais… C’est pas faux.


(Silence. Tout le monde le regarde. Arthur se rend compte qu’il vient de dire « C’est pas faux ». Perceval bombe le torse.)


PERCEVAL

Eh ben voilà ! Même le roi il valide !


ARTHUR

Non, j’ai… j’ai dit ça comme ça. C’est une expression.


PERCEVAL

Ben c’est la mienne, d’expression.


LÉODAGAN

Super, on va finir par coller des royalties sur les conneries maintenant.


MERLIN

Moi, j’ai trouvé qu’il y avait un vrai travail sur la symbolique du chaos : la perte de repères, la temporalité éclatée, les dialogues introspectifs—


ARTHUR

Oui bon, en gros c’est le bordel.


MERLIN

C’est une façon de le dire, oui.


BOHORT

Mais enfin, Sire, vous n’avez pas trouvé que tout cela manquait… comment dire… de rires ?


KARADOC

Ben moi, j’ai ri quand Bohort s’est évanoui.


BOHORT

Je ne me suis pas évanoui ! J’ai juste… fait une pause horizontale !


GUENIÈVRE

Moi j’ai ri aussi, mais après, quand j’ai vu la fin.


ARTHUR

C’est pas une comédie, Guenièvre.


GUENIÈVRE

Ben c’est pas un drame non plus, parce qu’à la fin, j’ai pas pleuré.


LÉODAGAN

Vous, vous pleurez quand la soupe est froide, donc ça compte pas.


ARTHUR

Bon, arrêtez, bordel.


(Arthur se lève, frappe la table.)


ARTHUR

Ce récit, il est pas parfait, mais au moins, il existe. Il avance. On peut pas rester éternellement dans la taverne à faire des jeux de dés et des conneries.


PERCEVAL

Ben si, justement, c’est ça la base.


KARADOC

Ah ben ouais, on peut faire avancer le récit, mais faut emporter la taverne avec.


LÉODAGAN

Voilà, on va finir avec une trilogie qui commence au château et finit au buffet.


MERLIN

Symboliquement, ça se tiendrait.


ARTHUR

Mais vous allez la fermer oui ?!


(Un long silence gêné. Perceval sirote sa coupe.)


PERCEVAL

En tout cas, moi j’dis que sans moi, c’est plus pareil. C’est comme une tarte aux mûres sans mûres. Y’a la pâte, y’a le sucre, mais ça pique pas pareil.


KARADOC

Ouais, ben c’est surtout que t’en mets partout, les mûres.


PERCEVAL

Ben oui, mais c’est ça qui donne la couleur.


LÉODAGAN

Si la couleur, c’est de la confiture sur le plancher, on s’en passera.


ARTHUR

Bon, on fait une pause. Après, on essaie d’analyser ce qui marche. Parce que si on se met à tout casser, le prochain récit, il va être raconté par les lapins.



---


(FIN DE L’ACTE I)

(La table se vide lentement. Karadoc reste pour finir la cruche. Perceval gratte la table avec son couteau en marmonnant : « Faut pas qu’ils s’étonnent si ça marche pas, ils ont viré la meilleure arme comique du royaume. »)


---


ACTE II – LA MORALE DU ROI


(INTÉRIEUR – SALLE DE LA TABLE RONDE. Fin d’après-midi. Des miettes de pain, des taches de vin, et un silence de digestion planent dans la salle. Arthur revient, suivi de Lancelot. Karadoc roupille sur la table. Bohort se remet de ses émotions. Perceval, lui, bricole une fléchette avec un cure-dent et un fil de ficelle.)


ARTHUR

Bon. On reprend.


LÉODAGAN

(Soupire.)

On reprend quoi ? Le festival des pleurnicheries ?


ARTHUR

On reprend le débat. Parce qu’on a été bons pour critiquer, maintenant on va dire ce qui marche.


PERCEVAL

Ah ben y’a la musique ! J’dis pas, c’est classe.


KARADOC

Oui, mais y’a pas d’odeur. C’est bien joli les trompettes, mais sans un bon fumet derrière, ça fait creux.


MERLIN

Moi, j’ai trouvé la musique fascinante. Une sorte de tension métaphysique entre le la mineur et la brume psychique—


LÉODAGAN

Oh ça y est, il recommence.


ARTHUR

Non mais c’est vrai que c’est bien foutu. On sent la bataille, la gravité… l’ambition, quoi.


LANCELOT

Oui. Enfin un récit digne du royaume, sombre, tragique, à la hauteur de nos destinées.


PERCEVAL

Ah ouais, ben moi j’ai rien compris à la destinée. Y’a des mecs qui marchent dans la boue pendant vingt minutes et à la fin, ça coupe.


ARTHUR

C’est parce que c’est une première partie.


PERCEVAL

Ah, donc c’est pas fini ?!


BOHORT

C’est… encore pas fini ?


ARTHUR

Non.


LÉODAGAN

Ben dites donc, ils savent tenir un public en haleine, vos bardes.


KARADOC

Ouais enfin, y’a une différence entre haleine et apnée, hein.


GUENIÈVRE

Moi j’aime bien quand ça dure. Comme ça, on a le temps de rêver.


LÉODAGAN

Vous, vous pouvez rêver sur une cuillère, donc c’est pas un indicateur.


ARTHUR

Bon, arrêtons deux secondes de dire des conneries.

C’est vrai que c’est lent. C’est vrai que c’est dense. Mais c’est pas une taverne, c’est une épopée.


PERCEVAL

Ouais, ben moi j’dis qu’une épopée sans rigolade, c’est comme une taverne sans bière.


ARTHUR

Tout ne peut pas être marrant, Perceval. À un moment, faut grandir un peu.


PERCEVAL

Ah ben voilà, on y vient : « Faut grandir. » Vous voulez qu’on soit des adultes de la tragédie, moi j’voulais juste jouer aux cartes.


KARADOC

Ouais, ben les cartes, au moins, y’a une fin.


MERLIN

Mais il faut reconnaître que le récit prend une ampleur considérable. Les plans sont vastes, les montagnes sublimes…


BOHORT

Oui enfin, à chaque fois qu’on voyait une montagne, j’étais sûr qu’un truc allait exploser.


LÉODAGAN

Oh, faut savoir apprécier la mise en scène, mon vieux. C’est pas tous les jours qu’on a des batailles avec des effets pareils.


PERCEVAL

Ouais, mais les effets, faut que ça serve à un truc. Sinon c’est comme mettre du miel sur une côtelette, ça colle.


ARTHUR

Non mais là-dessus, il a pas tort. C’est joli, mais c’est parfois un peu… démonstratif.


LÉODAGAN

Bah, si c’est le prix à payer pour avoir l’air sérieux, qu’ils s’en privent pas.


BOHORT

Mais enfin, tout était si sombre ! Si mélancolique ! On aurait dit que tout le monde allait mourir à chaque plan !


KARADOC

Moi j’dis, s’ils avaient bouffé avant de partir, ça serait pas arrivé.


GUENIÈVRE

Moi, j’ai trouvé ça très poétique. Y’avait du vent, des nuages, des gens qui se regardent sans parler… c’est beau.


LÉODAGAN

Oui, ben on dirait surtout une dispute conjugale filmée dans le brouillard.


ARTHUR

C’est pas faux.


PERCEVAL

Eh ben voilà, il recommence à être d’accord avec moi !


ARTHUR

Mais non, c’est une tournure !


PERCEVAL

Une tournure de quoi ?


ARTHUR

Mais taisez-vous, bordel !


(Un silence. Arthur se verse du vin, boit, soupire profondément.)


ARTHUR

Bon… Écoutez.

Je sais que tout le monde attendait un truc plus drôle, plus… Kaamelottien. Mais moi, j’crois qu’il faut le prendre pour ce que c’est : un passage. Un entre-deux.


LÉODAGAN

Oui, enfin, si c’est un entre-deux, qu’ils se dépêchent d’en sortir, parce que j’ai les fesses qui s’endorment.


ARTHUR

C’est une transition, pas une sieste.


KARADOC

Une transition vers quoi ? Parce que si c’est pour aller vers encore plus de brume, on va finir en purée de pois.


MERLIN

Ah non mais attendez, la brume, c’est symbolique. Ça représente l’incertitude du destin, la perte d’identité—


ARTHUR

Oui, oui, on a compris, vous avez lu un livre.


PERCEVAL

Moi j’dis, si c’est un passage, faut pas oublier d’y mettre un panneau, parce que là on s’est paumés.


LANCELOT

Mais vous ne voyez pas ? C’est l’épreuve nécessaire. Le royaume est à genoux, les héros sont perdus, et pourtant ils avancent. C’est beau !


LÉODAGAN

Ah ouais, ben ça, c’est beau sur le papier. Dans les faits, t’as envie de leur filer un GPS.


BOHORT

Moi, j’ai eu peur pour tout le monde. Même pour les chevaux.


KARADOC

Les chevaux, ils bouffent mieux que nous, hein.


GUENIÈVRE

Moi j’ai trouvé que c’était très noble. Surtout le moment où Arthur regarde le ciel.


ARTHUR

Oui, ben ça, j’étais en train de réfléchir.


LÉODAGAN

Ah ouais ? Ben vu de l’extérieur, on dirait que vous attendez la pluie.


PERCEVAL

Moi j’dis, c’est ça le problème : tout le monde regarde le ciel, mais personne regarde la table.


ARTHUR

Qu’est-ce que vous voulez dire par là ?


PERCEVAL

Ben la Table Ronde, c’est nous. C’est le bordel, c’est les engueulades, c’est les blagues, c’est les patates. C’est ça qu’est beau. Là, y’a plus tout ça, y’a des silences et des explosions.


ARTHUR

(plus calme)

…C’est pas faux.


(Silence. Même Léodagan baisse la tête. Karadoc arrête de mâchonner son morceau de pain.)


LANCELOT

Mais il faut bien évoluer. L’humour, la camaraderie… ce sont des vestiges. Ce qu’on raconte maintenant, c’est la légende.


ARTHUR

Ouais, ben les légendes, c’est bien gentil, mais ça fait pas avancer les quêtes.


LÉODAGAN

Ni les repas.


KARADOC

Ni le moral.


BOHORT

Ni mon sommeil !


GUENIÈVRE

Moi j’trouve que c’est romantique.


LÉODAGAN

Romantique ? Vous avez vu la tronche du royaume ?


ARTHUR

Bon. J’crois qu’on a compris :

— Ceux qui voulaient rigoler, ils sont déçus.

— Ceux qui voulaient pleurer, ils ont pas tout saisi.

— Et ceux qui voulaient comprendre, ben ils attendent la suite.


PERCEVAL

Donc en gros, tout le monde attend, quoi.


ARTHUR

Voilà. C’est peut-être ça, la morale. On attend, mais on avance quand même.


MERLIN

C’est très beau, Sire. Très philosophique.


ARTHUR

Non, c’est juste du bon sens. Et un peu de fatigue.


PERCEVAL

Ben moi j’dis qu’au prochain récit, vous me remettez, et ça résout tout.


LÉODAGAN

Oui, enfin, si c’est pour que vous confondiez la quête du Graal avec une recette de quiche, on va rester dans la brume, hein.


PERCEVAL

Ben c’est pas incompatible.


KARADOC

Exactement. On peut chercher le Graal et manger en même temps. Faut juste être organisé.


ARTHUR

Taisez-vous, tous les deux.


(Arthur se lève, ramasse son épée, regarde la Table Ronde.)


ARTHUR

Bon. Si ce foutu récit nous apprend quelque chose, c’est qu’on n’est pas là pour être des héros, mais pour continuer à essayer.

Et si on doit tomber, au moins qu’on tombe en rigolant.


(Silence. Tout le monde hoche la tête.)


PERCEVAL

C’est pas faux.


(ÉCLAT DE RIRE GÉNÉRAL.)


LÉODAGAN

Bon, ça y est, il a eu le dernier mot, le con.


ARTHUR

Laissez. C’est la seule fois où ça sonne juste.


(Les chevaliers se lèvent, quittent la salle un à un. Karadoc attrape la dernière miche. Perceval reste seul un instant, contemple la table.)


PERCEVAL

(Ou à mi-voix, pour lui-même.)

C’est quand même pas compliqué : faut que ce soit marrant, faut qu’ça cogne, et faut qu’ça finisse pas au milieu.

C’est tout.


(Il hausse les épaules, puis s’en va en sifflotant « le thème de Kaamelott ».)



---


FIN DU DEUXIÈME ACTE

(Et de la critique.)

Kelemvor

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