Naomi Kawase sait filmer la forêt, entité-totalité de son long métrage en ce qu’elle constitue un point de convergence pour des personnages, des nationalités, des solitudes, un centre de gravité et de convalescence au sein duquel les blessures s’extériorisent, vibrent à l’unisson de la nature entendue comme mémoire ancestrale de l’humanité et se pansent enfin, dans un raccord à autrui. Et ce substrat philosophique restait audacieux tant qu’il recourait au langage du cinéma, tant qu’il germait en l’image qui, articulée avec d’autres, composait à terme un haïku célébrant l’homme dans sa relation fusionnelle avec la nature vigoureuse.


Le souci, comme dans Hikari, c’est que la cinéaste se sent obligée de théoriser, de plaquer des thèses sur ses personnages et les situations qu’ils vivent, de sorte à les changer en souris de laboratoire que l’on scrute à des fins scientifiques. Son récit devient progressivement programmatique, les rencontres et les départs laissant présager quelque chose, balises posées le long d’un sentier rendu sinueux par une construction narrative enchâssée inutilement alambiquée. Deux énergies se percutent sans s’enrichir : celle de la souffrance humaine qui s’extériorise au contact d’un environnement et qu’incarnent des comédiens talentueux, celle d’une mise en scène juchée sur les hauteurs dont les effets tape-à-l’œil la poussent à s’observer comme dans un miroir. Les personnages perdent en profondeur et s’agitent telles des marionnettes, oubliant de vivre le choc des cultures, oubliant de vivre la naissance d’un sentiment qui dépasse l’amour pour se raccorder à une puissance supérieure. Reste une première partie plutôt intrigante.

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le 20 mars 2021

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