Voir le premier film saoudien de l’histoire du cinéma entièrement tourné en Arabie Saoudite, qui plus est par une femme, cela inspire un profond respect et une certaine émotion. Dans un pays où il n’y a pas de salle de cinéma, Haifaa Al-Mansour a du diriger ses acteurs d’une camionnette à l’aide de talkie-walkie pour éviter de s’exposer aux passants comme une femme à la tête de toute une équipe masculine. Ces conditions de tournage posent le décor d’un pays où tout est dirigé par la religion et la séparation des sexes.

La réalisatrice y dépeint l’histoire touchante de Wadja, une gamine coincée entre Enfance et adolescente, qui porte des Converse et écoute de la pop américaine lorsque dehors elle doit cacher ses cheveux sous un voile noir et ne pas faire entendre sa voix aux hommes. Cette ambivalence se retrouve dans un grand nombre de personnages féminins du film, extrêmement présents (les hommes n’étant que de simples seconds rôles). On se peint les ongles en bleu sous les socquettes blanches, on se dessine des étoiles sur les chevilles avant de replacer son abaya.
Wadja, quant à elle, a un petit côté rebelle et insolent. Elle a un ami garçon, elle vend des bracelets qu’elle fabrique elle-même et surtout elle veut posséder un jour un vélo, chose totalement inconcevable pour une femme dans ce pays. Et oui, une femme qui fait du vélo n’aura jamais d’enfant. Mais le plus beau c’est que pour réunir l’argent nécessaire à son achat, elle ne trouve pas d’autre moyen que de s’inscrire à un concours de récitation du Coran ! Quelle merveilleuse espièglerie !

Le film est simple mais loin d’être simpliste. En effet, le but de la réalisatrice n’est pas de montrer le quotidien d’un pays où les femmes subissent continuellement l’autorité des hommes. Elle photographie plutôt une société où la religion transpire tellement par tous les aspects possibles qu’elle devient mode de vie. Là où l’on peut voir une violence sourde, la plupart des saoudiennes semblent y voir une banalité et cherchent à trouver des petits bonheurs féminins simples plutôt que de se rebeller pour tout changer. Personnellement, cet aspect m’a le plus touchée : ces femmes qui peuvent donner l’impression de prendre la place de l’homme qui opprime. Comme cette directrice d’école qui rappelle sans cesse les préceptes coraniques qui font que la femme ne peut rien dire en présence d’homme « parce que vous êtes des femmes ». Dans notre société où l’on nous parle à chaque coin de rue d’égalité des sexes et que l’on voit des féministes déchaînées dès que l’on aperçoit un bout de fesse sur une affiche de pub, ça fout une claque.

Et au milieu de tout cela, Wadjda, délicieuse Waad Mohammed, qui illumine le film de son sourire de Punkie Brewster arabe. Elle est à l’image du film dans son ensemble : de la légèreté au centre d’un profond malaise. Wadjda c’est comme un sourire au milieu d’un flot de larmes. Tous les personnages féminins (la mère (sublime Reem Abdullah), la tante Leila, même la directrice) parviennent dans le fond a trouvé un équilibre entre le fait d’être une femme et celui d’être une femme en Arabie Saoudite.

Vivement le prochain !
Before-Sunrise
8
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le 7 mars 2013

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Before-Sunrise

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