Wall-E
7.7
Wall-E

Long-métrage d'animation de Andrew Stanton (2008)

Voici un large panel de plaisirs numériques. Des milliards de chiffres devenus avec le temps et l'effort de glorieux bastions, des êtres humains ; tous baptisés. Paysages spectraux et machines en piteux état, rien ne semble avoir survécu.
Rien ?
C'était sans compter sans la robotique faite chair, le désaveu de toute technicité au profit d'une mémorable petite splendeur : Mémoire, goûts et curiosité. Quelque chose est né. Un être humain. Et de l'agilité.

700 ans nous sépare de Wall-E. C'est un petit robot de nettoyage curieux. Le dernier de son espèce. Il nettoie la terre de ses cochonneries, il tente de dépoussiérer le présent tout en pensant au passé. Quand la première pousse sort de terre l'univers est sauvé. La terre est forte à nouveau. La mission d'Eve, la petite amie de Wall-E, sera de ramener cette plante (qui grandit dans une petite bottine) aux derniers humains vivants au loin, perdus dans l'espace. Wall-E l'accompagne, craignant pour sa santé. Le voilà parti, attaquant les teintes du ciel qu'il pourra enfin caresser...

Ça a la teneur d'un court-métrage, la même aisance et la même facilité à transposer peu de cadres et à les unifier sans artifice rédhibitoire. Le temps condensé ; l'espace illusoirement infini. L'épopée, terrestre puis astrale, ne s'embarrasse en effet que de peu de bagages. On marche dans le futur, et comme dans tout futur les machines ont grandi. Ici, ce sont des héros. Wall-E a tout pour plaire : image nette d'une régénération globale, sons amoureux et cosmologiques, mouvement de mécaniques, de véritables corps, affranchis par les pas de danse.

Les premières notes de 2001 : L'odyssée de l'espace retentissent et c'est l'homme qu'on voit marcher. Revenir sur ses pas. L'avenir nous semble à des années lumière.

Transpercer quelques règles bien établies pour découvrir l'humanité sous ses nouvelles formes.
L'homme n'est pas présenté comme stupide, les robots sont malins. L'aliénation était évidente : dans le futur les gens sont gros et téléphonent toute la journée. On sourit maladroitement en se disant que si l'homme a su créer son Némésis il pourra tout aussi bien découvrir son propre salut. En observant les visages des différents capitaines de l'Axiom (le vaisseau regroupant les derniers Terriens en vie) on s'étonne de l'évolution : l'homme se pixellise.

Comme dans Cars (je pense à l'ensemble des films d'animation de John Lasseter) Pixar se veut de justifier toujours de la modernité de son imagerie et ainsi de son utilisation de l'image de synthèse. On y parle de traditions, de valeurs : la famille, la reconnaissance, le travail, l'amour ; mais aussi des fossés du temps et de l'histoire. Des principes simples pour une vie simple, voilà le statu quo sur lequel repose les films d'animation Pixar. On commence et on termine en découvrant l'autre, en apprenant à vivre ensemble. Woody devait conjuguer son existence avec le fait qu'il soit devenu un has-been. Radiator Springs souffrait des contre-coups de la modernité et a été déserté depuis la construction de la route 66. Quant à Wall-E il est dysfonctionnel dès son entrée en scène, un véritable magnétophone bricolé (au contraire de sa douce Eve au look d'iPod éclairé). Il est monstrueux. Il rouille. Et c'est pourtant ce qui est usé qui nous charme. C'est le sacrifice, l'abnégation, se jeter dans la poussière pour aider celle qu'on aime. Une romance simple et maltraitée. La force fictive qui s'exerce sur deux corps, la vitesse décuple et les deux amoureux atteignent un moment d'inertie.

Il perd son identité, Wall-E, et c'est en acquérant une mémoire qu'il devient un vrai héros à nos yeux, un homme : l'homme nouveau. Miracle scientifique et humanisation transcendantale : on avait souvent vu le laid côtoyer le beau mais jamais l'inanimé et l'animé ne se seront autant fondus l'un dans l'autre.

La boucle est adorée (l'histoire de l'humanité, les tressautements de la mémoire de Wall-E, le début d'une histoire d'amour qui ne semble ne pouvoir que recommencer). L'immortalité suggérée. Wall-E et son aimée deviendront deux idoles, figées dans les mémoires, s'aventurant dans les époques, vivant entre les cycles. L'homme n'est pas le déclencheur d'un bien ou d'un mal sur Terre, il doit s'y plier totalement. C'est ce qu'on nous rappelle. S'approche-t-on du salut ? L'homme devient tableau, l'art devient miroir, le reflet devient image virtuelle et le synthétique devient chair et métal à la fois, corps et délirium ordinaire ; l'homme créé l'homme, celui qui pourra comme il l'a toujours rêvé et comme le chante M.I.A. : Voler comme le papier ; s'élever comme les avions.
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le 5 août 2010

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