Oh que la vie est compliquée, que le monde est dur ! Il y a cette femme que j'aime, ce Spectre si soyeux, devant moi. La femme de mon collègue Dr Manhattan, le surhomme. Je l'aime et il faut qu'on baise ! Mais je ne peux pas. Je ne suis pas un surhomme. Je suis Daniel Dreiberg et tous les jours, je promène ma vie misérable et mon emploi de fonctionnaire et il y a les bières que je bois une fois par semaine avec mon ancien confrère. Oh que la vie est compliquée, que le monde est dur ! Le sexe est l'origine et la fin. La femme dans mes bras est le fruit d'un viol. Mon ami Rorschach dont la mère fut une pute est un tueur qui pourchasse les détraqués sexuels. Moi je suis né et il faudrait qu'à mon tour... Mais je ne suis pas un surhomme.

Mais je me souviens. J'ai quinze ans et un costume. Je suis le Hibou, et je suis la nuit qui me dissimule. On dirait qu'il y aurait des méchants et dans mon costume je n'aurais plus peur. Je suis presque un surhomme. Regarde avec mes yeux infrarouges : on voit la chaleur des corps. On va se battre, tu verras. Si ! Je suis un surhomme ! Je mens et je me déguise. Tout le kitsch me protège et je vais te faire l'amour. Je peux maintenant. On va combattre les méchants. Je n'ai plus peur.

Oh le méchant ! Tu as vu Rorschach, c'est notre ancien ami, Ozymandias, l'homme le plus intelligent du monde ! Il a réussi à lancer le monde dans un conflit sans précédent parce qu'il a calculé, avec des probabilités satisfaisantes, que l'humanité qui lui survivrait serait meilleure. Attends Rorschach, que fais-tu ? C'est peut-être pas si mal ! Attends, même Dr Manhattan partage son point de vue. Mais oui, tu as raison c'est dégueulasse. Mais pourquoi cette tragédie, Rorschach ? Après tout qu'est-ce que ça change que tu vives ou que tu meurs ? Tu n'as plus de place dans ce monde. Tu n'es pas pragmatique et tu ne connais pas le compromis.

Oh que la vie est compliquée, que le monde est dur ! Mais j'ai une femme que j'aime ; on va déjeuner avec ma belle-mère alcoolique et désespérée et puis on tiens le coup. On oublie. Au moins je ne me déguise plus. Je ne me cache plus derrière le mensonge ; j'ai compris que la vérité était plus opaque encore et que je n'avais rien à craindre. J'ai compris qu'il n'y a pas d'amour de l'humanité sans amour des hommes qui la composent. J'ai compris, par la chaleur que je pouvais voir, que la vérité ne s'abstrait pas des calculs ni la morale des statistiques mais se construisent des corps que nous aimons. Que de l'intérêt supérieur, du souverain bien, il ne nous appartient pas de décider et que tout calcul en l'espèce qui consisterait à sacrifier à froid un homme contre dix, cent contre dix mille, deux cents contre un milliard, est sordide et inhumain. J'ai vu l'homme, dans sa crasse et sa faiblesse, dans sa grandeur et sa force. Il ne m'appartient pas d'aimer tout le monde mais je suis solidaire de cet homme-là.

Et puis, vous ? Qu'allez-vous faire ? Vous possédez les faits. Vous savez ce qui s'est passé. Allez-vous le révéler ? Allez-vous continuer votre vie telle que vous la meniez ? Serez-vous Rorschach ou Daniel Dreiberg ?
reno
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le 10 sept. 2011

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reno

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