"Welcome in Vienna" (originellement appelée "Wohin und Zurück" à savoir "Aller et Retour") est une trilogie allemande réalisée par Axel Corti, réalisateur mort prématurément en 1993. Elle conte les histoires de 2 personnages, Ferry Tobler dans le 1e film et Freddy Wolff dans le 2e et 3e, durant la 2nde Guerre Mondiale et ce du début à la fin. Si j'ai décidé de ne faire qu'une critique sur un seul film de cette trilogie c'est avant tout car c'est celui qui, je pense, arrive à condenser le mieux le but de tous ces films, car je ne vais pas parler que de celui-ci mais bien des 3.


"Welcome in Vienna – Partie 1 : Dieu ne croit plus en nous" commence en 1938 et on y suit Ferry Tobler, un adolescent juif, qui fuit l'Autriche. Ce thème de la fuite va être récurrent dans tous les films de la trilogie avec celui de la maturité. En effet quand on découvre Ferry celui-ci n’a que 17 ans, il n’est donc pas majeur et ça se sent dans beaucoup de ses choix (par exemple il n’ose pas mentir car il ne sait pas comment faire, mais aussi par peur) ou bien ses idées, comme le fait de ne pas se rendre totalement compte du danger qui le guette. L’une des forces de ce film va être qu’il va, tout au long du long-métrage, gagner en confiance tout comme en maturité, pour Ferry Tobler la guerre est un passage à l’âge adulte avant tout.
Sur son chemin il sera accompagné souvent de 2 personnes, un homme et une femme tous deux bien plus âgés que lui, avec qui il tissera des liens très forts, ce qui fait un parti pris totalement assumé du film de montrer comment la guerre touche les communautés, d’où la grande profondeur de champ durant une grande majorité du long-métrage pour englober le plus de personnes possible. Des liens vont se former avec d’autres personnages que nos 3 compère croiseront sur leur route, des liens très précieux car ces personnages évoluent aussi, en bien comme en mal, et cela nous permet de nous rendre compte de manière plus efficace des conséquences de la guerre sur le mental, en effet on ne verra personne mourir de balles ou à cause des chambres à gaz, en revanche on en verra plusieurs tomber dans la folie.
Ce chemin c’est aussi l’occasion de voir énormément de regards qui jugent les personnages, faisant preuve d’un antisémitisme ambiant et faisant froid dans le dos, comme pour symboliser que, où que les personnages aillent, ils ne seront jamais les bienvenus (alors que des Allemands se font embarquer une Française sort "Ah ça alors ma couverture !" à un Allemand qui la lui avait prise), thème très important dans le 2nd volet, où la mort sera plus que jamais présente sur la tête des personnages, comme suggéré par la dernière image de ce film, Ferry regardant derrière lui et ne voyant pas une voiture qui va droit sur lui.


"Welcome in Vienna – Partie 2 : Santa Fe" prend place en 1940 et commence comme tous les films de cette saga, gentiment, avec comme toujours une musique calme et douce, et puis il y a quelque chose qui vient casser ce rythme agréable. Ferry (qui ne s’est pas fait renverser par la voiture au final) qui a réussi à embarquer à Marseille après avoir fui l'Autriche, et Freddy Wolff, un jeune compatriote. L'entrée en Amérique est problématique pour tous ces émigrants sans papiers et l’accueil des rescapés du nazisme est loin d’être facilité par les autorités américaines. Au final, alors que Freddy Wolff arrive à entrer à New-York, Ferry, qui lui n’avait pas réussi, se noie en essayant de sauver une personne muette s’étant jetée à l’eau. Voilà comment le film nous cueille, en tuant le personnage dont on a suivi toutes les péripéties pendant un premier film, et ce de la manière la plus froide possible (au téléphone en décadrant les personnages l’apprenant), ce qui crée un rappel des plus piquants de l’ambiance de guerre dans laquelle vivent les protagonistes.
Tout de suite ce 2nd volet va être beaucoup plus rythmé, la caméra va être beaucoup plus souvent portée et le cadre souvent saturée par Freddy marchant dans la rue au milieu d’autres personnes ayant elles-aussi leurs vies. Ce deuxième long-métrage est donc beaucoup plus porté sur les individualités et c’est indiqué dès le début du film avec une séquence dans un bar ou un personnage parle explicitement du rêve américain, rêve qui porte bien son nom, car beaucoup trop hasardeux, et malheureusement nos personnages ne pourront pas en profiter. En effet ici à n’importe quel moment un peu léger ou joyeux, quelque chose de beaucoup plus lourd suit, par exemple quand Freddy essaie de séduire une femme à son boulot et qu’il se fait virer la minute qui suit. Heureusement ce bon Freddy arrive à se trouver une copine, une certaine Lissa qui travaille dans une boucherie, mais malgré ça il va toujours y avoir quelque chose dans le cadre pour les séparer, ou tout simplement eux-mêmes, comme dans cette scène où ils sont en haut d’un toit à New-York et où ils font face aux vertiges de l’amour, mais aussi de la guerre. Il y a une vraie fatalité qui traîne sur la tête des personnages, comme une épée de Damoclès avec la mort qui peut frapper à n’importe quel moment et ça ne se joue à rien, et ça on le comprend à la fin, quand le père de Lissa meurt et que celle-ci ne veut plus entendre parler de Freddy qui décide de s’engager dans l’armée mais qui, en haut d’un toit à New-York, lance un journal sur la ville clamant qu’un juif avait sauvé plusieurs personnes, une dernière image laissant de l’espoir, et concluant un film sublime, presque parfait, mais profondément pessimiste dans sa vision de l’humain, qui pourtant est très humaniste.


"Welcome in Vienna – Partie 3 : Welcome in Vienna" est donc le 3e et dernier (et sans doute moins bon) volet de cette trilogie. Il prend place en 1945 à Vienne, quand la guerre est terminée, Freddy Wolff et Georges Adler, émigrés aux États-Unis mais d'origine autrichienne et allemande, sont devenus soldats de l'armée américaine. Vienne est en ruines et divisée en quatre zones, le marché noir y règne en maitre. L'Autriche se présente comme une victime innocente du nazisme et refuse d'en prendre conscience. Encore une fois le début est toujours très calme avec une gentille musique et de gentils fondus, mais une explosion vient gâcher toute cette légèreté, et ça va suivre quelques scènes plus tard avec une fusillade sur fond de musique douce.
Seulement ici la guerre est terminée, mais les batailles ne le sont pas pour autant, et cette fois-ci celles qui font rage sont les batailles d’idéologies chez les alliés et plusieurs questions qui se posent : qui a vraiment combattu les nazis ? Est-ce que c’était une guerre mondiale ou une guerre d’égos ? C’est pourquoi on ne parle quasiment plus de la guerre (même si certaines scènes sont là pour nous rappeler les conséquences de celle-ci) mais plutôt des histoires d’amour de Freddy qui pour le coup sont beaucoup moins réussies. En effet notre beau soldat allemand a un faible pour une actrice allemande, Claudia de son nom, sauf que celle-ci est au final assez superficielle et on a du mal à déterminer tous les enjeux de l’amour qui nous est présenté. Mais le plus gros défaut du film reste le traitement de Freddy, beaucoup trop immature dans son comportement et dont le jeu de l’acteur, beaucoup trop linéaire, n’arrange pas les choses. Heureusement ce film contient l’un des personnages les mieux écrits de la trilogie à savoir celui d’Adler, ce soldat aussi charismatique qu’énervant, ce qui en fait un mélange terriblement envoûtant.
Au final ce dernier volet de cette saga peut décevoir, mais n’en reste pas moins bon et garde son pessimisme ambiant et ce jusque dans la scène finale où le titre "Welcome in Vienna" est affiché avec en fond Freddy marchant seul dans Salzburg, en plan d’ensemble et sous la neige, obligé de fuir Vienne pour ses histoires d’amour, Vienne, une ville qui l’a plus rejeté qu’accueilli.


C’est ainsi que se conclue cette trilogie fantastique et le point fort de celle-ci est qu’elle a réussi à installer une ambiance, des codes esthétiques qu’on arrive à retrouver tout le long des 3 films sans jamais que ça ne soit trop appuyé ou autre. Il y a par exemple une volonté de coller énormément au réel dans la mise en scène avec un style presque néoréaliste italien, et pour ça le noir et blanc et le format 1,33 aident énormément, faisant penser à des images d’archives (sachant que certaines sont réparties dans les films). Il y a aussi une vraie maîtrise du montage, qui n’hésite pas à accélérer la tension ou à la faire retomber. Par exemple dans le 1e film les 3 protagonistes doivent se cacher d’une voiture de soldats nazis, sauf que la femme du groupe n’arrive pas à se dissimuler et est donc à la vue de tout le monde. Les coupes sont sèches et brutales, mais au final les soldats saluent gentiment la dame et s’éloignent, tandis que celle-ci rigole avec ses 2 compères, le tout sur un fondu pour faire retomber la tension. La mise en scène est parfaitement bien gérée et la lumière est absolument magnifique, n’hésitant pas à faire ressortir les côtés négatifs ou positifs des personnages, mais c’est dans la gestion de la focale que cette trilogie réussit incroyablement bien. En effet dans le 1e film on a droit à une grande profondeur de champ, car le long-métrage parle avant tout des conséquences de la guerre sur les groupes humains. Dans le 2e volet c’est plus variable, on sent que c’est entre les groupes et les individualités, mais le 3e long-métrage est rempli de grandes focales, faisant ressortir les personnes en elles-mêmes. En ce sens cette trilogie arrive à parler des impacts de la guerre sur la population sous toutes ses formes.
Mais c’est aussi une trilogie qui parle de l’autre côté de la guerre où l’on cherche à fuir tous ces morts, toutes ces batailles, tout cet antisémitisme, mais qu’au final on se retrouve à combattre des regards, des clichés et l’isolation. Dans une période où tant de vies prennent fin, certains personnages essaient d’en construire une nouvelle, mais c’est comme impossible, et au final on termine par fuir, oubliant ses histoires sentimentales et arrêtant de penser à soi. Tout n’est que question d’oppositions, et la plus forte reste la douceur (relative) des sentiments face à l’horreur de la guerre que pourtant on ne voit, presque, jamais.

NocturneIndien
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le 4 avr. 2020

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