Deuxième volet de la trilogie Welcome to Vienna, Santa Fé commence par solder ses comptes. Le personnage principal du premier opus qu’on avait laissé en mauvaise posture (écran figé de sa silhouette devant une voiture de la Gestapo) a finalement pu rejoindre l’Amérique… mais se noie dans le port avant d’avoir pu fouler la terre tant désirée.
Place à son relai, Wolff et la communauté d’émigrants juifs dans le New York d’une Amérique qui s’apprête à rendre la guerre mondiale en s’y joignant.
L’esthétique déjà en vigueur dans l’opus précédent est accrue : le récit est nerveux, caméra à l’épaule et dans un noir et blanc très documentaire, tandis que de nombreux plans de la ville semblent directement issus d’archives des années 30 : gros grains vitesse mal réglée propre au cinéma muet.
« Revoir ses bases, se convertir, rester mobile » : telle est la devise des migrants et la dynamique de leur destinée. Corti détaillait la perte d’identité marquée par la fuite en Europe, il radiographie ici la tentative de reconstruction.
Dans le Land of opportunities, où le plein emploi rythme la danse frénétique de la rue new-yorkaise, les immigrés sont des fantômes. Tous infirmes, ils ont laissé au pays natal une femme, un mari, un enfant, voire leur voix dans les camps. Alors que l’absence d’intrigue réelle met en valeur un quotidien restitué pratiquement en temps réel, le spectateur devient le témoin d’une assimilation qui s’apparente surtout à un deuil déchirant, celui de ses racines.
On embrassait le sol américain dans l’ouverture, soulagé d’avoir quitté le théâtre des exactions qu’était devenu l’Europe. Mais la greffe prend d’autant plus mal qu’on assimile les germanophones à l’ennemi, que l’antisémitisme n’a pas de frontière et que les hommes ont le sentiment d’avoir abandonné leur patrie. La fuite vers Santa Fé, l’histoire d’amour, le récit hollywoodien, en somme, n’adviendra pas : décapé par l’Histoire, l’histoire conventionnelle s’effrite en même temps que ses personnages qui ne peuvent annihiler leur identité profonde.

La trilogie est une œuvre au long court, et s’épanche à mesure qu’elle progresse : il faut se familiariser avec sa mélodie feutrée pour s’attacher à ces personnages dont la fêlure décolore tout ce qui les entoure.

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le 24 sept. 2014

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