Un opéra en plein air signé Steven Spielberg


Plus besoin de citer le drame lyrique qu’est West Side Story, bouleversant récit shakespearien. D’abord fulgurant dès sa première adaptation en 1961, avec pas moins de 10 récompenses aux Oscars, il fut par la suite classé dans les 100 meilleurs films américains selon l’American Film Institute. Un classique du genre qui n’empêche pas à notre réalisateur préféré de relever le défi haut la main. Il devient de plus en plus évident que dès qu’une œuvre est signée de son nom, celle-ci naît d’office avec l’intention de marquer.



Car bien que l’œuvre originale ne soit jamais dénaturée, celle-ci fait peau neuve. Les deux acteurs principaux sont efficaces mais sont éclipsés par leurs seconds. Difficile de passer après Rita Moreno, Russ Tamblyn ou George Chakiris… et pourtant… Pourtant la relève est là. Surtout dans les noms d’Ariana DeBose et Mike Faist, respectivement Anita et Riff, qui sont l’un et l’autre d’une précision brute, parfaite, et n’ont rien à envier à leurs prédécesseurs.


Là où Spielberg marque des points, c’est qu’il prend son temps. Guerres urbaines et pauvreté industrielle sont passées au peigne fin dans un regard plus actuel et illustrées magnifiquement aux quatre coins d’un grand spectacle vivant. Le rythme, lui, est conservé tout du long, avec une discipline et une maîtrise dont seul notre virtuose a le secret. D’une histoire aux thématiques aussi dures, son fidèle directeur de photographie joue avec ombres et lumières au travers d’architectures fanées et de danses polychromées. Un contraste qui donne au film un angle plus marquant, comme le fameux moment du duel, où les silhouettes des Jets et des Sharks s’entrecroisent avant le vrai face à face.


6 décennies inchangées


La réalisation est saisissante par sa volonté de marquer la violence. Bien que le papa de Jurassic Park ait pour habitude d’aborder des thèmes dramatiques, ici c’est tout autre chose. Pas besoin de mots quand les danses hurlent, voltigent et tourbillonnent. Pas besoin de discrétion quand on peut distinctement dénoncer une scène de viol et ce par celle qui soixante ans plus tôt se retrouvait dans la même mêlée. Ici on s’exprime haut et fort, ce qui rend cette adaptation aussi puissante que la première.


Quant aux lyrics de l’époque, elles ressortent métamorphosées, avec une énergie nouvelle, plus clinquantes, plus fortes. En particulier avec Somewhere, que Spielberg réadapte en solo comme la version originale de 1957 pour Broadway, et distribue à nulle autre que Rita Moreno qui offre l’une des scènes les plus émouvantes du film. Une jolie passerelle entre 1961 et 2021 qui a de quoi rassasier les amoureux de l’œuvre originale et plus encore.


For Dad


Le tout est d’une sincérité touchante qui se savoure du début à la fin. Une bulle dans laquelle Spielberg nous laisse entrer, comme une part de lui-même. Une œuvre extrêmement personnelle qu’il dédia à son père, grand adorateur de la production et décédé avant la fin du tournage. Plus qu’une lettre d’amour à son paternel, le réalisateur l’adresse au cinéma tout entier.

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le 19 déc. 2021

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murron

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