Il n’y a au fond pas de hasard à ce que ce West Side Story version Spielberg sorte pratiquement en même temps que le S.O.S. Fantômes de Jason Reitman ou bien encore que le Spider-Man : No Way Home d’un énième yes man.
Au fond ces trois films répondent de la même logique. De la même époque.
Repomper. Dupliquer. Resservir. Voilà l’air du temps dans lequel semblent s’étouffer les grosses productions étatsuniennes du moment.
Spielberg n’en est d’ailleurs pas vraiment à son coup d’essai puisque son précédent film – Ready Player One – avait déjà cédé en partie aux sirènes de la ressuce et du fan service à outrance, tout cela se faisant déjà à l’époque au détriment parfois (souvent) de la création, de la cohérence, voire même – et c’est un comble pour le bon Steve – de l’élégance.


Ici, avec ce West Side Story, pourra-t-on au moins reconnaitre au vieux maître du temple du Nouvel Hollywood qu’il a su a minima nous offrir la sophistication plastique dont il est l’un des grands experts. Maitrise majestueuse du cadre (qui s’en surprendra encore ?), goût consommé pour un éclairage habile et raffiné de chacune de ses scènes (goût qui est malheureusement gâché par une photo tristement de son temps, mais on en reparlera) : deux qualités dont on pourra toujours se satisfaire. Soit. C’est vrai. Ne les boudons pas…
Mais au-delà de ça, est-ce qu’on saura tout de même voir cet incroyable éléphant qui subsiste au milieu de la pièce ?
Est-ce qu’au moins on saura aborder la vraie et grande question qu'impose ce film ?
Celle du pourquoi.


Parce que oui : pourquoi ce West Side Story ?
Vraiment : pourquoi ?
Même endroit et même période. Mêmes personnages et même scénario. Mêmes chansons et même paroles.
Où est la plus-value ? Où est l’intérêt ?
Alors c’est vrai – comme je le disais plus haut – on ne saura retirer à Spielberg cet art plus qu’abouti qu’il emploie pour faire vivre les cadres, les élargir, les remplir. Tout cela est certain.
Mais à part rajouter des moyens, des figurants et un peu plus d’espace pour donner de l’ampleur à certaines scènes, quel gain ?


C’était quoi l’esprit ? Faire une Special Edition à la Star Wars, histoire de simplement toiletter et optimiser une version originale certes pas très top ?
Si c’était ça l'idée alors pourquoi avoir préservé les incroyables temps morts et autres platitudes du film de 1961 ? Et à l’inverse, pourquoi ne pas avoir préservé en son entièreté la patine de la photo de l’époque au lieu de l’avoir troquée en partie avec ce désormais classique (et navrant) couple bleu/orange typique des films de ce siècle ?


En fait, plus qu’à une Special Edition ou autre exploitation jusqu’à la lie d’une franchise préexistante, j’ai surtout l’impression que l’objectif de ce film était davantage d’opérer une sorte de toilettage idéologique afin que quelque-chose du West Side Story original puisse survivre à cette période d'autodafés que connaissent actuellement les Etats-Unis.
Parce qu’à bien y regarder, quels sont les rares changements auxquels s’est risqué Spielby dans sa reprise ? Désormais la distribution efface tout le race swap originel et veille bien à ce que chaque personnage soit bien joué par un membre de sa communauté supposée.
…Et puis à côté de ça la guéguerre presque gentillette des origines est désormais davantage traitée avec un œil plus contemporain. On insuffle davantage de tension intercommunautaire histoire de plus coller à l’esprit du moment mais tout en ne quittant pas une certaine forme d’édulcoration propre au matériau originel.
De là, je peux comprendre l’intérêt que trouvent certaines et certains à lister et analyser tous les changements apportés par Spielberg et qui démontrerait qu’en fait cette œuvre est bien plus subtile qu’il n’y parait (notamment pour ce qui est de questionner notre période par rapport à celle de 1961) mais il n’empêche que ces éléments-là ne peuvent néanmoins pas faire oublier tout le reste.
…Et tout le reste c’est le fait que Steven Spielberg ait lui aussi fini par totalement sombrer dans les abysses artistiques de la photocopie.


Non mais merde quoi… Sérieusement on tolère ça ?
On estime que ça y est, c’est acté, on accepte sans sourciller qu’on puisse désormais nous sortir assez régulièrement des films comme celui-là qui ne se réduisent pour l’essentiel qu’à ne disperser des easter eggs sur l'essentiel de son temps ?
C’est désormais normal ? Acceptable ?
…Ce serait l’air du temps et il faudrait faire contre mauvaise fortune bon cœur ?
Sérieusement ?!


Non mais, comme quoi on a vraiment dans les arts comme dans tout le reste rien de plus et rien de moins que ce qu’on mérite…


...Triste époque. Vraiment.

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le 19 déc. 2021

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