Sorti en 1971 et petit carton surprise du box office, Willard est l'un des premier films à mettre vraiment en scène des rats attaquant des humains. Succès oblige, le film engendrera de nombreux ersatz d'invasions animales et une suite intitulé Ben qui sortira l'année suivante. Le film s'inscrit dans le genre horrifique du bout des doigts et Willard ressemble plus à un drame intimiste teinté d'épouvante comme le souhaitait son réalisateur, le très classique Daniel Mann.


Willard c'est donc le prénom et l'histoire d'un jeune homme un peu gauche et timide qui ne cesse d'être brimé et humilié par son patron qui a volé l'entreprise de son père aujourd'hui décédé. Willard est aussi rabaissé par une mère malade, possessive et manipulatrice. Le jeune homme se lie alors d'une étrange amitié avec des rats qu'il parvient petit à petit à contrôler tandis qu'ils se multiplient dans sa cave.


Si vous recherchez un pur film d'horreur repoussant et violent, vous pouvez clairement passer votre chemin car Willard est effectivement bien plus un thriller dramatique qu'un pur film d'épouvante. A moins bien sûr que la simple vision d'un rat ne vous fasse peur, Willard ne devrait plus choquer ni terrifier personne un demi siècle après sa sortie. Pourtant le film de Daniel Mann n'en demeure pas moins intéressant à plus d'un titre. La plus grande force du film est sans doute toute cette analogie allégorique que le film met en place entre les tourments du personnage et les rats. Traité comme un parasite et brimé par tous, Willard va trouver dans la compagnie de ses rongeurs eux aussi mal aimés et persécutés à la fois un réconfort, des alliés et une façon de retrouver une position dominante. Ces rats qui ne cessent de se multiplier en une masse grouillante et sombre symbolisent aussi à merveille la rage, la colère et les pulsions homicides qui montent en puissance chez le jeune homme. Lorsque Willard se promène la nuit dans la ville avec ses deux mallettes remplies de rats, c'est tout simplement l'image d'un type brimé qui trimballe toute sa rancœur et une haine prête à sortir pour envahir le confort cossu de ses persécuteurs. Autre temps, autre époque, le film à faible budget n'utilise aucun effets spéciaux et ce sont bel et bien des centaines de vrais rats que l'on voit sur l'écran ; des rongeurs qui grouillent et s'attaquent à des acteurs recouvert de beurre de cacahuète pour les attirer à eux. Même si on notera avec amusement la présence de quelques rats qui volent en défiant les lois de la gravité (on imagine des techniciens les jetant sur les acteurs) tout est si vrai qu'il est fatalement impossible de ne pas y croire.


L'autre point fort du film est son très bon casting avec tout d'abord dans le rôle titre le quasi débutant Bruce Davison à l'aube d'une carrière qui compte aujourd'hui plus de 250 films et séries. Le comédien est formidable dans le rôle de ce type brimé et maladroit qui retrouve doucement de l'assurance tout en glissant vers l'inquiétant psychopathe par procuration utilisant les rats comme le bras armé de sa colère. Un personnage ordinaire et touchant qui suscite une forme d'empathie immédiate qui va perdurer y compris lorsqu'il va commencer un peu à vriller. Dans le rôle de sa mère trop aimante et trop possessive on retrouve Elsa Lanchester qui restera pour l'éternité l’inoubliable Fiancée de Frankenstein et dans celui de sa petite amie Sondra Locke future compagne de Clint Eastwood à l'écran comme dans la vie. Pour terminer il faut citer cette bonne trogne de Ernest Borgnine qui incarne ici le patron de Willard, une grande gueule manipulatrice qui adore tâter de la secrétaire, humilier publiquement ses employés et lécher les bottes de ses clients. Le comédien qui pour l'anecdote le avait peur des rats est ici formidablement détestable.


Willard est un très bon petit film dont les thématiques de harcèlements raisonnent toujours à notre époque. A force d'être rabaissé, des pensées sombres et grouillantes finissent souvent par ronger les individus, des désirs homicides que malheureusement trop souvent les victimes finissent par s'infliger à eux même.

freddyK
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le 7 déc. 2022

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Freddy K

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