Etant donné le nombre de critiques sur ce film pas si méconnu, je pensais pouvoir me dispenser de m'épancher sur le sujet. Mais quelques critiques vomitives et dégoûtante (j'espère que les mentions du nom "attardé" "triso" "travelo" ou "dégénérés" que j'ai lu ça et là étaient du second degré, mais j'ai peu d'espoir) m'ont convaincu d'en remettre une couche.


Willy 1er est loin d'être un chef d'oeuvre. Ce long-métrage se perd dans quelques artifices dispensables (une voix-off assez peu compréhensible et répétitive, des incrustations un peu kitsch), et ses personnages, hormis les deux Willy, sont finalement très stéréotypiques. Mais difficile de dresser un portrait en profondeur d'une communauté rurale en 1h23. Enfin, une hésitation constante entre les esthétiques documentaires (penchant vers le Strip-Tease ou un Groland sérieux) et celles de la fiction (qui me rappelle, dans mon for intérieur troublé, du Lost River), rend le tout finalement très hétéroclite.


Mais Willy 1er bénéficie d'un souffle rare. Il est même parvenu à me tirer quelques larmes sur la fin, chose extrêmement rare dans ma cinéphilie. Ce film est porté par une interprétation remarquable de Daniel Vannet. Même son personnage s'inspirant en très grande partie de sa propre vie, le travail d'acteur (jouer, apprendre un texte) reste une performance de taille dans sa situation. Les réalisateurs parviennent à capturer parfaitement son corps, peu en adéquation avec les canons de beauté, et le filme sans fausse pudeur, brut, tel qu'il est (cette veste de club de basket-ball qui le suit partout est magnifique pour le caractériser).


En montrant la réalité de sa vie et de celle de son homonyme (homosexuel ostracisé par sa propre communauté), sans fard, Willy 1er nous oppose frontalement l'altérité, celle des outcasts. J'aime le cinéma qui parle d'outcasts, mais trop souvent, leur personnages sont romantisé. Ici, la seule volonté de Willy 1 est de trouver son indépendance, et celle de Willy 2 est de se barrer de son trou perdu. Leurs trajectoires sont simples, et visent avant tout, à ne pas sombrer dans le désespoir, tant en restant des personnages ambigus, et donc vrais.


En flirtant constamment entre le documentaire et la fiction, finalement, l'objet film nous confronte un peu plus à l'altérité, car il est totalement autre, inclassable. Enfin, il est porté un BO magnifique (notamment composée par un des 4 réals), qui n'est pas non plus sans me rappeler celle de Lost River.


C'est avec grand intérêt que je suivrais les aventures de ces 4 réalisateurs très prometteurs, et j'espère revoir Daniel/Willy, tant son histoire simple et touchante, mérite d'être entendue. Car finalement, en affrontant le monde, les Willy prouve leur courage, et face à eux, les véritables "attardés" ou "handicapés" sont ceux à qui l'altérité et la différence font peur.

Créée

le 28 janv. 2021

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Agregturp

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