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Woland
Woland

Film de Michael Lockshin (2024)

Le diable au pays des Soviets

Sorti à la fin du mois de janvier sur les écrans et, à l'exception de quelques projections suisses non sous-titrées, quasi invisible en dehors de la Russie, "Woland "est devenu en quelques semaines un fantasme dans nos contrées occidentales, l'emblème de la contestation politique silencieuse au pays du Tyran. Transposé d'un roma de Mikhaïl Boulgakov, classique de la littérature russe, Le maitre et Marguerite, Woland est ce que l'on a coutume d'appeler un grand film malade. Œuvre un peu baroque à la narration labyrinthique, imbriquant plusieurs récits, l'adaptation est une critique féroce (et subtile) de la censure en Union Soviétique de l'époque. Cette critique/satire prend dans un premier temps la forme de l'interdiction d'une représentation d'une pièce sur Ponce Pilate par les autorités moscovites, et le "déclassement" progressif de son auteur.


Une scène de procès très réussie à la fois ironique et glaçante (il y est question d'autocritique forcée, de mauvaise foi d'état) viendra conclure cette interdiction, avant que l'écrivain ne rencontre un curieux inconnu à l'accent allemand, Woland. Rapidement le quidam interroge puis inquiète, lorsqu'un homme se suicide peu de temps après l'avoir rencontré, puis bientôt révèle des pouvoirs surnaturels : oui Woland est le diable et s'invite en ce bas monde pour venger l'écrivain . Dès lors le métrage prend un tour inattendu, des scènes délirantes (chat jouant aux échecs ,pièce de théâtre propagandiste se muant en opéra satanique) alternent avec des belles scènes de séduction lorsque l'écrivain rencontre Marguerite, sa muse inspiratrice et débute l'écriture d'un nouveau roman : "Le maitre et Marguerite", mais Michael Lockshin nous perd parfois tant la frontière est floue entre la réalité fantasmée des personnages et la déclinaison de leurs destins qui parfois confine au tragique.


Pourtant, cette relecture du mythe de Faust est d'une grande beauté formelle et, au delà de son propos libertaire, la qualité de la mise en scène semble expliquer son succès phénoménal mais gênant*, au pays de Vladimir Ilitch Oulianov et de l'autre Vladimir. Les plans, comme souvent dans le cinéma russe moderne (on pense à Serebrennikov ou à Balagov), sont irréprochables, avec un souci du détail impressionnant sans pour autant que les décors ne paraissent trop chargés , l'image est élégante, la reconstitution soignée et même si le propos est parfois confus, l'extravagance de la très longue dernière qui fait écho à une scène d'ouverture assez folle également est tout à fait réjouissante.


*Le film malgré son financement par le Fonds du cinéma russe soutenu par l'État, subit à Moscou une véritable diatribe des dirigeants du Kremlin qui le jugent "« vif, antisoviétique et antimoderne" .Michael Lockshin, son réalisateur opposé à la guerre en Ukraine est depuis exilé à Los Angeles et donc inempoisonnable ,) a été qualifié par une chaine d'état de « russophobe ardent et transukrainien »

Yoshii
7
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le 5 avr. 2024

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Yoshii

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