C'est toujours agréable de constater qu'on n'est pas la seule à considérer l'appât du gain comme une névrose collective dommageable à la communauté. Ce film ultra lent et terriblement contemplatif apporte sa pierre à l'édifice de la résistance au capitalisme galopant ou simplement au délire d'accumulation des riches, en zoomant sur deux destins modestes. Deux petites personnes anonymes et laborieuses qui vont, sans fanfare ni trompettes, trouver le moyen d'émerger dans le grand bain du gavage généralisé (représenté par une multinationale déshumanisée et une rentière cacochyme). Sauf que, pour finalement tirer leur épingle du jeu, il va leur falloir renoncer à quelques principes jusque là fondamentaux dans leur existence. Et ils le font tranquillement, avec résignation presque, parce qu'il n'y a aucun autre moyen de ne pas mourir dans le dénuement le plus absolu, dénuement sciemment organisé par un système qui leur est sournoisement hostile. Sournoisement, parce que personne ne leur crache ouvertement à la figure, non, au contraire : on leur parle avec douceur, on fait mine de s'inquiéter de leur sort. On fait mine, mais il n'en est rien, tant le système financier et social actuel est orienté uniquement vers certains petits cercles privilégiés au détriment de l'immense majorité de l'espèce humaine. La démonstration n'est plus à faire. L'intérêt de ce film ne réside donc pas forcément là, malgré ses intentions affichées. Ce sont ces deux individus effacés, presque transparents, qui retiennent l'attention. On ne voit quasiment pas venir ce frémissement souterrain qui, en eux, va sonner l'heure de l'accomplissement de soi, après des années de servitude. Je ne dis rien des moyens employés, qui font tout le sel de cette histoire, pour ne pas gâcher la jubilation tardive qui saisit le spectateur. Je parlerai plutôt de ces loooooongs plans fixes qui laissent la vie se dérouler tranquillement sous nos yeux et déploient le panorama d'un Mexique très éloigné des clichés habituels, où les relations sociales entre les gens humbles sont restées profondément généreuses et respectueuses. Une surprise après la légion de films ultra violents sur les cartels de la drogue. Ici, le réalisateur se plaît en compagnie de braves gens qui n'ont pas l'habitude d'avoir la main sur leur destin. Une compagnie presque rassurante malgré les expédients auxquels ils sont acculés.

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le 8 nov. 2017

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